Rencontre avec Jean-Pierre Siméon
De quoi avons-nous besoin ? Quel est notre manque ?
Nous ne manquons pas d’informations, nous ne manquons pas de spectaculaire, nous ne manquons pas de discours, nous ne manquons pas de sollicitations.
Nous manquons de l’essentiel. Et l’essentiel est dans la langue du poème.
Jean-Pierre Siméon était à la Médiathèque d’Alfortville (94) le 4 novembre. Pendant plus d’une heure il y a fait vibrer sa passion de la poésie qui est à tous par la parole et à chacun par la lecture.
Il a accompagné ses propos de quelques vers, quelques noms de poètes d’ici d’ailleurs d’aujourd’hui d’avant et toujours ici et maintenant, car par la lecture un poème est toujours renouvelé et je suis agrandi par la poésie. Chaque poète m’offre sa perception du monde, et par là ouvre ma propre perception.
Jean-Pierre Siméon, poète et directeur artistique du Printemps des Poètes, a cité par deux fois Paul Celan, poète de langue allemande, né en 1920 dans l’actuelle Ukraine, et mort à Paris en 1970 en se jetant dans la Seine.
« Des poèmes, ce sont aussi des présents – des présents destinés aux attentifs. Des présents porteurs de destin. »
Le monde où nous vivons aujourd’hui nous déconseille d’être attentifs, disponibles à la relation, nous incite à consommer, à prendre à jeter, à ne pas perdre de temps, donc à perdre le reste. Contre cette dépense, la poésie nous fait cadeau du présent. Cela demande seulement de l’attention, une qualité éminemment humaine.
Dans une lettre, Paul Celan écrit encore : « Je ne vois pas de différence de principe entre une poignée de main et un poème. »
Aujourd’hui, sous des prétextes sanitaires, nous sommes invités à éviter de nous faire la bise et de nous serrer la main. En d’autres termes, et en prolongeant la phrase de Paul Celan, nous sommes invités à éviter la poésie.
(l'oeuvre représentée ci-dessus est un tableau d'Anselm Kiefer en hommage à Paul Celan)
Et, dans le même temps, parce que ceux qui nous gouvernent agissent en fonction d’un type de société, régi par la peur de l’autre, les mêmes qui nous mettent en garde contre la poignée de main prétendent lancer un débat ( ?) sur l’identité nationale. L’identité… Les poètes répondent : « Je suis l’autre » (Gérard de Nerval) – « Je est un autre » (Arthur Rimbaud) – « Poètes, vos papiers ! » (Léo Ferré). Quelle identité ?
L’identité enferme, cloisonne, isole. La poésie ouvre, surprend, lie.