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23 janvier 2023

Rai-de-coeur, d'Emmanuelle Bayamack-Tam (éd. POL)

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C’est un texte de 1996. C’est le premier roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam publié par POL. On y trouve beaucoup de ce qu’elle a écrit ensuite. D’abord, sans doute, un ton, une écriture aiguisée avec la précision d’une glypticienne. Des mots précis comme des gestes de tailleur de pierre. C’est le titre qui semble appeler ces comparaisons : « les rais-de-coeur sont un ornement formé de feuilles aiguës en forme de cœur alternant avec des fers de lance », indique le dictionnaire Le Robert. Il y faut donc la précision du travail de la pierre. Cela annonce aussi l’alternance de la joie et de la tristesse dont est fait l’amour dans ce livre. Et, si on est attentif à la dédicace de ce texte « pour Olivier Domerg », elle situe ce livre dans le contexte de l’Association Autres et pareils, bien avant les prix littéraires.

L’Afrique australe en est le lieu, mais le pays où se déroule ce récit va perdre son entité et le personnage que nous suivons en sera alors éloigné un temps : « c’était nulle part. Dommage ». Le narrateur vous met en garde : « Convenons que je n’écris ni ne raconte. Que je me dresse au milieu des choses dites, semblable à elles et sans pouvoir sur elles ». Tel est donc le statut aussi de l’autrice : « ni homme, ni femme, ni fantôme, ni fantasme ».

C’est de l’amour qu’il s’agira, de cet amour qui vient soudain et dont la première étreinte laissera une trace indélébile dans le corps et le coeur. Les parents gèrent un rest-camp, on y travaille, on vit ensemble. Nello est le seul enfant avant l’arrivée au rest-camp de Siri puis de Kéziah, par qui le désir survient. Et puis il y a le N’mab, et son désert tout proche, et Fénix, la ville « aux anciens parapets ». Nello, diminutif de Daniel, a treize ans quand le livre commence, comme d’autres personnages à venir d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Les quelques années qui suivent seront déterminantes : comment vivre quand on se sent trahi, oublié, abandonné par tous, y compris les parents qui imposent « une ambiance d’échauffourée passionnelle permanente » ? Il reste le désert. « En avant, donc ».

Et je pense à Arthur Rimbaud : « Au revoir ici, n’importe où. (…) C’est la vraie marche. En avant, route ! »  

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