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12 novembre 2021

Norge, poète

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Loïc Lantoine a dit, l’autre jour, un poème de Norge, extrait du recueil Le vin profond. J’ai écrit hier que Norge est un poète belge. Je dois corriger cette information : c’est d’abord un poète francophone, né en Belgique à la fin du XIXe siècle et mort en France en 1990. J'ai retrouvé trois recueils dans ma bibliothèque : Joie aux âmes (éditions de la Maison du Poète), Le vin profond (éd. Flammarion) et Cerveaux brûlés (éd. Flammarion). 

Dans Joie aux âmes, paru en 1941, déjà s’impose le long verset qui rythme le chant :

Donc, j’étais pauvre et satisfait et je dormais sous la patience et l’oubli, comme un jardin de janvier, qui s’admire dans sa stérile robe de givre.

Et je n’écoutais que cette vibration monocorde de l’hiver qui fait inconsciente et bercée la mort des hauts branchages.

(...)

On retrouve ce rythme dans Le vin profond, paru en 1968, dont chaque partie appelle un instrument de musique : le luth, le hautbois, la harpe, le bugle, la crécelle, le cor.

Dans la partie pour le luth, on peut lire :

Oui, ce fut beau d’être un fleuve mais, en vérité : ce ne fut point assez. Je voulus être une forêt. Il y avait eu du fleuve en moi. Il y eut de la forêt !

Les sèves ne manquaient pas dans mes arbres actifs et noueux. Je devenais mille volontés de ramures, mille avidités de racines, une industrie de semences et de germes ;

Mille respirations de feuillage. Ah ! la joie d’être une forêt, c’est respirer ! Par mes chênes adultes, je respirais à longue haleine tout un après-midi de chaleur où le lézard courait sur mes troncs.

Il faut être un bouleau pour trembler avec un tel délice au vent le plus léger sous l’azur.

Il faut être un peuplier pour effiler une si belle pointe dans la hauteur et parler sérieusement avec les choses du ciel.

S’il manquait un cyprès à la douceur du site, je poussais un cyprès entre mes roches grises et fermais de silence un fuseau noir et pur.

Mes bêtes, mes oiseaux, je les couvais sous mon grand mystère feuillu. J’ai roucoulé dans la gorge du ramier, j’ai tremblé dans le coeur du chevreuil.

(...)

Dans la partie pour le bugle, c’est la louange d’une source :

Dans le matin hésitant où l’écoulement des heures ne vibre pas encore,

J’ai reconnu les rieuses voyelles que prononçait ma fontaine.

J’ai reconnu ma source chère qui jamais ne dort ou ne rêve,

Mais qui est née pour chanter et pour fuir.

(...)

Ce ne sont, hélas, que des extraits. C’est un monde qui s’ouvre et qui déferle, quittant la nuit pour se jeter dans l’inconnu, dans l’avenir qui est toujours à recommencer, comme il l’écrit dans le troisième recueil, Cerveaux brûlés :

Quand l’avenir fut passé, on se trouva devant un grand trou noir. Il n’y eut qu’à sauter dedans. Pour un trou, c’était un trou. Mais quand on fut au fond, l’avenir se mit à recommencer.

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