Hommage à Édouard Glissant (NRF - 646 - janvier 2021)

Le numéro 646 de la Nouvelle Revue Française rend hommage à Édouard Glissant, mort il y a dix ans (le jour même où j’étais à Sainte Marie, en Martinique, là où il est né. C’est, je me rappelle, une petite fille qui m’a annoncé ce décès dont l’institutrice avait parlé aux enfants).

Cinq écrivain.e.s dans la revue se souviennent : J.M.G. Le Clézio, Nimrod, Gaël Octavia, Eugène Ébodé, Sylvie Kandé. La lecture de leurs textes donne ainsi des images de l’homme : « La voix de Glissant basse, un peu rocailleuse, roulant comme des pierres dans une ravine » - « Il s’est aventuré devant nous, les bras légèrement écartés, le visage renversé, les yeux mi-clos » - « Lors de chacune de ses leçons inaugurales de l’année universitaire, Glissant aimait recourir à un calembour. Du haut de son grand corps semblable à l’acoma, l’immense arbre martiniquais, il lançait  en forme d’autodérision à ses étudiants : Ne m’appelez pas maître, appelez-moi double-mètre. »

Bien sûr, chacun.e évoque aussi la pensée de Glissant, son évolution depuis 1956, premier Congrès des artistes et écrivains noirs, qui s’est tenu à la Sorbonne : « C’est le Congrès d’une poétique. C’est la négritude et la poésie des peuples noirs. Ce n’est pas encore une politique ». Et  d’évoquer Le discours antillais, Le sel noir, Faulkner Mississipi… autant de livres qui rejoignent la liste de ce que je dois encore lire. On y lit que « la liberté est poème ». Et apparaît le lien entre la « dimension archipélique de l’Afrique » et les rhizomes de Deleuze et Guattari. « Glissant s’enracine au grand large (…) sources multiples, (…) appartenance plurielle ». On voit aussi comment sa pensée n’hésite pas, « en traces hasardeuses et non en transcendances », à se confronter au « défi du miroir » dans sa lecture de Faulkner.

Entendre enfin, tandis que « les algorithmes n’aiment rien tant que les pôles, les réductions au plus simple, les systèmes qui s’opposent », entendre ces mots d’Édouard Glissant : « Admettre, de l’un ou de l’autre côté voire des milliers de côtés possibles, que je peux changer en échangeant avec l’autre sans me perdre ni me dénaturer ».