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28 mars 2010

Soul kitchen, de Fatih Akin

soul_kitchenFatih Akin est allemand et son film parle de l’Allemagne d’aujourd’hui, d’une ville allemande, Hambourg, qui ressemble à d’autres villes européennes… Des bâtiments industriels désaffectés, squattés ou achetés par des jeunes (artistes ou non) qui trouvent là un espace de liberté, et qui sont aujourd’hui convoités par des promoteurs immobiliers parfois sans scrupule… Une cuisine genre « mal-bouffe » remplacée par une cuisine sophistiquée, et la clientèle habituelle, populaire, de l’endroit s’en va laissant la place à une autre, plutôt « branchée »… Un quartier se transforme, peut-on résister à ces changements ?

Le film de Fatih Akin est une comédie et le héros, un jeune restaurateur d’origine grecque, s’offre une lombalgie bien compréhensible : il en a plein le dos, la femme qu’il aime part en Chine, son frère lui demande de l’embaucher (ou de faire semblant) pour obtenir un régime de semi-liberté, le fisc lui tombe dessus, ainsi que les services d’hygiène, un ancien camarade d’école veut lui acheter le restaurant. Rien ne va comme il l’avait imaginé et il n’a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive, tout va très vite.

Beaucoup d’effets comiques, des scènes collectives réussies, des plans et des mouvements de caméra maîtrisés, et, surtout, la ville. Une ville qui « bat comme un cœur prodigieux », comme l’aurait chanté Nougaro, des bâtiments qu’on sent chargés d’une histoire encore présente (pas des monuments historiques, l’histoire de groupes de rock alternatif, des lieux qui m’ont rappelé le début du film Head on), un pont, des gens qui se croisent, se mélangent ou s’excluent, une ville qui bientôt ne sera plus. Le réalisateur marque ce côté éphémère en montrant en abondance les objets à la mode : iphone, webcam, platines de DJ… Et la musique ! Fatih Akin réussit encore une belle bande son, énergique, actuelle, ne se contentant pas d’un accompagnement musical de l’action, mais intégrant des musiciens dans les scènes.

Par ce film, d’une certaine façon, Fatih Akin tourne une page de sa vie. Il cite d’ailleurs John Lennon, sur l’affiche allemande : « Leben ist, was passiert, während du dabei bist, andere Pläne zu machen. » (La vie est ce qui se passe pendant que tu es là à faire d'autres plans). Il n’aborde pas, comme dans ses précédents films, les questions liées aux origines de ses parents ; il inscrit son film dans le quartier où il a vécu sa propre enfance. D’autre part, il semble clore le temps d’une jeunesse qui s’amuse, préférant la foule des soirées en boite, et, sous couvert d’un happy end, il propose une image de couple plus tranquille et s’engageant dans un autre mode de vie. Cette évolution serait-elle concomitante avec celle de la ville ? « La forme d'une ville change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel. » (Baudelaire) 

Il faut cependant garder en mémoire ce message du chef cuisinier qui révolutionne la cuisine du restaurant : « Le voyageur n'est pas encore arrivé à destination. »

Commentaires
O
Dans un texte de 1937, Titanic, Benjamin Fondane écrit : « Le voyageur n’a pas fini de voyager ». Y a-t-il un lien avec la phrase lue deux fois dans ce film de Fatih Akin ? Si oui, cela donne une autre interprétation possible du personnage de ce chef cuisinier. Et il faudra qu’un jour je lise Benjamin Fondane.
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