Eden Station, de Christian Lefèvre
Pour dire les choses franchement, l’œuvre de Christian Lefèvre installée dans le potager du Parc de l’Hôtel de Ville de Chilly-Mazarin choque. Voilà un jardin partagé où des gens, avec une association (Intermèdes Robinson) et la MJC – Centre Social de la ville, travaillent à faire pousser des rêves, des végétaux, des solidarités. Et voilà que, dans ce jardin, pousse une sculpture, plantée dans un socle de béton ostensible, faite d’un morceau de tronc d’acacia, abattu depuis plus de vingt ans, traversé par des tiges métalliques portant de grandes feuilles artificielles. Dans l’allée qui mène à cette sculpture, une sorte de banc où des pots accueilleront les plantations selon le désir des habitués du jardin. Tant d’artifice dans un espace "naturel" ne peut que choquer. Le titre de l’œuvre est Eden Station. C’est donc ça le paradis ? Un morceau d’arbre pour se souvenir que ça a existé, les arbres. Et des produits manufacturés pour dire que les humains ont tout voulu façonner à leur manière.
Dans la salle d’exposition, à quelques pas de là, le même artiste expose d’autres œuvres sous le titre Gagner du temps. Ici encore, Christian Lefèvre ne fait pas dans la dentelle, ou plutôt si : il expose les papiers broyés d’une quelconque administration comme une prolifération de la destruction, du gâchis ; il associe métal, plastique, bois pour montrer à quel point l’homme, pour gagner du temps, fabrique de fausses plantes, de faux paysages, un faux art de vivre. Certes, le paysage dans l’histoire de l’art a toujours été une invention de l’artiste (voir le paysage derrière la Joconde !), certes le paysage est depuis longtemps façonné par l’homme. Ce que montre Christian Lefèvre, c’est qu’on ne voit plus rien des pays si ce n’est pas en carte postale, plus rien de l’environnement si ce n’est pas photographié.
Il creuse ici et là sur les feuilles d’Eden Station, sur des plaques d’aggloméré, des traces sinueuses, comme les galeries laissées par les vers dans le bois. Et ce sont ces traces, marques du passage, du passé, dont, sans s’en rendre compte, on voudrait se sentir proche. Retour à l’invertébré ?
Exposition visible jusqu'au 7 février.
Aujourd'hui, vers 17h50, ce blog a reçu sa dix millième visite!
C'était sur une requête concernant Brise Marine! J'associe Mallarmé à mes remerciements.