Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
main tenant
7 avril 2021

Gestuaire, de Sylvie Kandé (éd. Gallimard)

41QCQ-4xYWL

Sylvie Kandé est née en France d’une mère bretonne et d’un père sénégalais. Elle vit actuellement aux États-Unis d’Amérique où elle enseigne. Gestuaire, publié en 2016, est le troisième recueil de ses poèmes édité par Gallimard. 

Pour écouter sa voix, le poème « toujours / sera meilleure conque ». Elle retourne les rochers, les coquillages, onyx de l’ongle contre nacre, pour révéler les traces des gestes, les gestes eux-mêmes, des ancêtres, des voisins, des proches. Dans ses vers, la lune a le dos gibbeux, l’exil laisse des balafres, la loi donne des coups, et la main toujours signe le geste. Le geste dans la pierre, une civière « qui soubresaute », les morts violentes d’un génocide (« En bas, la rue aiguisait en riant ses couteaux »), si proches de la margelle d’un puits à qui l’ancêtre laisse son nom. Les pierres, l’eau, l’esclavage, les guerres, les récits qu’on se fait seul, phalènes offerts « à la bête de feu colère ». Pourtant « la vie / c’est à confiance qu’elle se prend ». De même la poésie. 

Et peu à peu cette langue ainsi sculptée s’impose et demande à être dite à voix haute, pour modeler dans votre bouche son propre rythme, pour y battre sa mesure.

D’un texte à un autre, me voici lisant un article de Sylvie Kandé à propos d’Édouard Glissant (Glissant qui a postfacé son premier ouvrage poétique, Lagon, lagunes) dans le n°646 de la Nouvelle Revue Française. Dans cet article, elle évoque « Glissant, écrivant sur l’écriture de Faulkner », et y souligne « le défi du miroir » qu’il relève dans son Faulkner, Mississipi. Dans un poème de Gestuaire, intitulé « L’oiseau de septembre », elle écrit aussi : « La clé la clé est dans la redondance le reflet le renom ».

Voici quelques vers à la fin d’un poème qui évoque une maison de l’enfance où la mère appelait à rentrer, le soir :

AVT_Sylvie-Kande_2338

Était-ce métier ou cérémonie
cette paume renversée pour y asseoir sa jatte
cette taille fléchie pour poser son grain
à l’abri du soin fébrile des volailles
cette errance encore tout au bord du regard tracée…
Brusque et grave elle me tendit
un bouchon de paille
ce seau d’un reste de soleil éclaboussé
m’enjoignant de la suivre
à l’arrière de la maison
Alors nous connûmes
que longtemps encore
pour vanner cette verse
de lumière il y aurait suffisance

Commentaires
main tenant
main tenant
Derniers commentaires