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28 avril 2020

Rhapsodie des oubliés, de Sofia Aouine

9782732487960

C’est une écriture qui a l’énergie du désespoir. L’énergie d’un garçon de treize ans, arrivé rue Léon avec ses parents quand ils ont quitté le Liban. Un garçon qui a déjà vécu dans sa courte existence bien des difficultés qu’on découvrira peu à peu, en partie grâce à Madame Futtermann, et sans doute aussi à Odette. Il s’appelle Abad, habite dans une rue où les poubelles ont les odeurs du monde. Treize ans, les seins des femmes l’intéressent, tiens, ceux des Femen installées dans sa rue, par exemple, ça lui donne l’idée de transformer l‘appartement de ses parents en une sorte de peep-show pour ses copains : « La chambre était jonchée de mouchoirs et sentait le vieux cinéma clandestin du quartier chrétien chez moi à Beyrouth ». C’était sans compter avec les « Barbapapa » et autres intégristes. Résultat : on le traite en délinquant. Treize ans, déjà beaucoup de sa vie enfouie au fond de lui. La violence du monde est là, sur le trottoir, dans le quartier : toutes les religions comme des passeports pour le pire, la prostitution pour rembourser des dettes inventées ailleurs et faire souffrir la beauté, la pauvreté et le travail qui manque à cause d’un accident sur un chantier… C’est Abad qui nous parle dans ce livre. Mais aussi Madame Futtermann, Odette, la fille d’en face, Gervaise. Et c’est un quartier où on croit rencontrer des djinns, où on vend des cheveux, où il y a un marché, un peu plus loin un libraire… C’est un Paris populaire qui rappelle Zola, qui rappelle Les quatre cents coups de Truffaut, qui fait penser à La vie devant soi de Romain Gary, où passe Bashung. Sofia Aouine nous donne à entendre ces voix, celles qui traversent les fines parois des appartements après que leurs propriétaires les aient divisés pour en tirer plus d’argent, puisqu'ils savent faire ça, exploiter la misère tout en en détournant les yeux.

Un autre livre, il y a une dizaine d'années, parlait de ce quartier, Myrha Tonic, dont il était question ici, dans ce blog. Et un spectacle de la Compagnie Difé Kako s'y déroule (depuis sa création en 2012, il a évolué et s'intitule désormais Peau chapée)

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