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6 mars 2011

Incendies, film de Denis Villeneuve d'après la pièce de Wajdi Mouawad

incendies_filmJ’avais été un peu déçu par Forêts, trouvant que la trame narrative était un peu trop artificielle.

Incendies m’a totalement réconcilié avec l’auteur du texte, Wajdi Mouawad. On sort de la salle sonné. Parce que ce qui est révélé dans ce film (et que je ne peux écrire sans dévoiler le secret) est tout-à-fait plausible historiquement. Parce que les questions qui préoccupent l’auteur trouvent ici leur incarnation, leur chair. Promesse non tenue, recherche des origines, exil des victimes et des bourreaux…

C’est l’histoire d’une famille, comme en ont raconté les auteurs tragiques de l’antiquité, comme on en trouve dans toutes les mythologies. Mais ce qu’en fait Wajdi Mouawad nous inscrit dans le monde contemporain, dans notre histoire. Ce ne sont pas les dieux qui mènent l’épopée humaine, ce sont les hommes. Ici, Œdipe ne tuerait pas sa mère parce qu’un oracle l’aurait prédit, mais parce que les hommes l’y auraient incité, les hommes et les femmes… Ici Antigone ne répondrait pas à un devoir immémorial, mais serait poussée à son acte par simple amour de son frère…

Les dieux ne sont pas responsables de nos vies, que l’on soit chrétien ou musulman, quelle que soit notre religion si nous en avons une. Nous sommes pleinement responsables de nos actes. C’est ce que dit la mère, qui demande à être enterrée nue, face contre terre, pour n’avoir pas su, pas pu honorer sa propre promesse. Les circonstances ne l’y ont pas aidée, mais elle reste responsable. Elle charge ses enfants, des jumeaux, de tenir pour elle cette promesse.

Ainsi se transmettent les devoirs entre générations. S’il est impossible à l’une de trouver la paix, la suivante en aura la charge. Mais il importe à la première de transmettre un discours de paix, de résister à la fatalité (fatum, c’est le destin, ce que les dieux ont décidé pour nous). Il n’y a pas de fatalité. Les mots, et en particulier ceux qu’on écrit, permettent de changer le cours des choses. Ils ne suffisent certainement pas pour guérir le Liban des plaies des guerres, il faut aussi des actes. Mais, comme l’écrivait Jacques Lacan, à propos de La lettre volée d’Edgar Poe, « une lettre arrive toujours à destination », même si elle doit rester quelque temps en souffrance.

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