Fragmentation d'un lieu commun
Lieu commun, lieu où on est ensemble, mais quelle communauté en prison ? Une communauté fragmentée. Jane Sautière était éducatrice pénitentiaire. Elle s’adresse dans ce livre (éditions Verticales, collection «minimales») à celles et ceux qui font cette communauté. Elle dit «vous» à chacun des condamnés, aux visiteurs (dont une fille âgée de cinq ans), et elle dit «tu» à ses collègues. Un profond respect émane de ces pages. : «Peut-être suis-je votre greffe, là où s’inscrit la procédure ; là aussi où l’on sauve de la peau ? Le scripteur et le transfert de peau. Les deux.»
Une écriture dense, à la fois engagée et retenue, qui porte témoignage, pas «une oraison réparatrice, un mensonge». Il s’agit de parler des hommes et des femmes dans leur relation singulière avec cette femme qui les a écoutés, accompagnés, avec ce recul qui passe par les mots, leur étymologie, comme ces lignes où elle évoque le «trou», autre nom de la prison, du sexe de la femme, de la tombe. Et c’est le moment où nous prenons conscience que de toutes celles et de tous ceux qu’elle vient d’évoquer en les vouvoyant, beaucoup sont morts. En quelque sorte rendus à leur humanité par l’écriture.