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9 août 2013

Trois pièces de théâtre dans le Festival Off d'Avignon 2013

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La Base, de Jean-Bernard Pouy, mise en scène par Sylvain Martin, interprété par Sébastien Gorteau

Coco, l’homme nouveau pour un monde nouveau, doit avoir la tête bien remplie pour que le monde à venir soit doux à vivre. Hélas ! de quoi remplir une tête sinon de mots déjà anciens, usés, utilisés à tort et à travers, non pas mal t’à propos, mais détournés de leurs sens ? Ne pas garder les mots liberticides, alors que faire de « stade », après Pinochet ?  Que faire de « vélodrome » ? Le scientifique qui nous accueille, en blouse blanche, a l’air content de nous faire partager son travail. On en est à la dernière partie de l’alphabet. Mais l’homme en blanc, que fait-il sinon bourrer le crâne d’un humain du millénaire à venir ? Et c’est par la parole, donc par l’oreille, qu’il affublera d’un petit entonnoir, qu’il fera ce travail. Tout y passe, l’Histoire, les histoires (celles de Toto aussi), la géographie, les noms de villes, d’alcools, de savants… Il soulève des feuilles et des feuilles de papier, trie, triture, et perd peu à peu la tête, la sienne qu’il remplit de cette eau mise à sa disposition, mais est-ce bien de l’eau ? Qui manipule qui ? Il n’y a que ce petit chat, qui vient parfois lui rendre visite, un petit chat blanc et les chats blancs sont souvent victimes de surdité à cause d’un gène, le gène W ! On est encore loin du chromosome Y (vous souvenez-vous de la chanson des Bérurier Noir ?). Et peut-être pourrons-nous, public un instant associé à la nourriture verbale de Coco, lui mettre un peu de whisky, de waterzooï, de Wagner même ? Mais c’est trop tard. A la lettre A, le savant devenu fou a oublié l’amour, et c’est irréparable.

 

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Je suis / Tu es / Calamity Jane, de Nadia Xerri-L, avec Vanille Fiaux et Clara Pirali

Quand ont paru les Lettres de Calamity Jane à sa fille, cette image d’une femme libre et bagarreuse dans le western qu’on connaissait comme très masculin a touché juste. On y a cru. On s’est posé beaucoup de questions sur le sens de la maternité, sur les moyens employés par une femme pour vivre en milieu hostile. Et puis, patatras, récemment, on a découvert que ces lettres relevaient de la fiction, que leur auteur n’était pas Calamity Jane mais celle qui s’était présentée comme sa fille, qu’elle n’était pas. Pourtant quelque chose a existé, une aspiration, un désir… Nadia Xerri-L revient sur ces traces. Une jeune fille, en mal de mère, prétend être la fille de Calamity Jane. Une femme d’âge mûr voudrait se débarrasser de cette image qu’elle s’était appropriée. Comment construit-on son identité quand le réel n’y suffit pas (et il n’y suffit jamais) ? On cherche dans les lectures, les films, les histoires racontées. Ici, nous sommes sur la route, une route mythique des Etats-Unis, interminable conquête de soi-même. Dans la voiture, il y a des chansons (et nous avons tous chanté à tue-tête dans des voitures). Cette Calamity Jane a marqué une génération qui a voulu s’y reconnaître. Que laisse cette génération à la suivante, perdue dans la grande aventure de la vie ? Maintenant, après les colts, après le poker, après la solitude, il faut que la jeunesse prenne le volant.

 

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La Carte du Temps, de Naomi Wallace, avec David Ayala, Charles Gonzalès, Dominique Hollier, Daniel Martin, Thibault Mullot, Afida Tahri et Roland Timsit, mis en scène par Roland Timsit

Trois textes courts sous un seul titre, la carte qui relie ces trois textes et le temps présent. Irak, Palestine, Israël. Ces guerres qui n’en finissent pas. Ces hommes et ces femmes qui se côtoient, qui portent en eux ces blessures profondes, que les soins qu’ils se prodiguent les uns aux autres rendent encore plus mystérieuses. Un jeune soldat israélien garde le zoo détruit de Gaza, mais la mort n’a pas touché que les animaux dans ce territoire dévasté et elle le sait bien, cette mère palestinienne, qui a quelque chose de précieux à partager avec la mère du soldat. Un souffle. C’est aussi ce qui réunira, à leurs corps défendant, un vieux palestinien et une infirmière israélienne, au-delà de la mort du fils palestinien. La mort qui emporte les pigeons et le pays de ce colombophile irakien que rien ne prédestinait à ce drame, guerre, embargo. Les textes disent comment les guerres, au-delà des frontières qu’elles traversent, pénètrent les individus, qui tentent encore et encore de survivre avec une petite chanson, un espoir infime : que nous les entendions depuis le silence où ils sont relégués.

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