Rature, texte de Philippe Claudel, illustrations de Lucille Clerc (éd. Stock)

C’est un livre dont le format dépasse à peine celui d’un livre de poche mais il contient toute la mer, les vagues et la liberté. Et la vie d’un pêcheur qui part très tôt le matin et rentre le dernier au port où décharger ce que la mer lui a donné de poissons. Enfant, on l’appelait Rature à cause de ses difficultés d’apprentissage de l’écriture. C’est maintenant le nom de son bateau. Il pense de temps en temps à Madame Lesne, l’institutrice qui avait rassuré ses parents et lui avait fait lire tout ce qui parlait de mer, de pêche, « de flibuste et de chaluts ». Il va sur l’eau tous les jours ou presque, l’eau, large et profonde. Et le livre de Philippe Claudel, illustré par Lucille Clerc, en est rempli. Les poissons, les oiseaux, on entend presque les seconds, on voit briller les écailles des premiers. On entend même, à un certain moment, un vers de Victor Hugo qui revient à la mémoire : « Oh ! combien de marins, combien de capitaines… ». Les illustrations entrent dans le texte comme les vagues abordent les bateaux. Les visages, quand vous les aurez vus, vous ne les oublierez pas, des rides comme creusées par l’écume et le vent et le soleil. Voilà, en lisant ce livre où se rencontrent une inébranlable force et une émotion aux aguets, vous aurez désormais le pied marin.