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10 février 2010

L'Humanisphère, de Joseph Déjacque

humanisphereL’utopie, c’est sortir des évidences qui ne font, elles, que maintenir l’ordre établi. Sans utopie, Galilée n’aurait pas découvert que la terre tourne autour du soleil ; sans utopie, y aurait-il internet ? Sans utopie, nous en serions encore à la monarchie absolue, de droit divin… Joseph Déjacque est de ces utopistes, ouvrier, autodidacte, lecteur de Charles Fourier assurément (L’attraction passionnée), exilé après le coup d’état de Napoléon III, à Jersey, puis en Amérique, inventeur du mot « libertaire », et du journal du même nom, titre qui sera repris plus tard par Louise Michel. Et mort en 1864, « fou de misère », à 42 ans, à Paris.

L’utopie commence ici en prenant le contre-pied des valeurs dominantes, et avec cette citation de Proudhon :

« Dieu, c’est le Mal.

La Propriété, c’est le Vol.

L’Esclavage, c’est l’Assassinat ».

Joseph Déjacque, dans ce livre exalté, décrit une société idéale et  n’hésite pas à entrer dans les détails. Vision futuriste d’un monde dont le maître mot est Liberté et dont les relations sociales et humaines sont régies par la loi de l’attraction. Il rêve d’un monde en paix et solidaire, d’une nature domestiquée, du triomphe de l’électricité et des machines, imagine qu’on pourra faire le tour du monde par la voie aérienne en moins d’une journée, qu’il existera des techniques pour parler à la multitude sans forcer sa voix. Il décrit aussi le costume des Humanisphériens (c’est ainsi qu’il nomme les habitants de la planète vivant en anarchie).

Il a conscience que sa description est loin des réalités qu’il vit, en ce milieu du XIXe siècle. Pour atteindre ce monde harmonieux, il sait aussi qu’il faudra des luttes, que les progrès vers cet idéal seront lents. Il préconise de prendre tout ce qui se présente et qui va dans ce sens.

Utopiste, il affirme l’égalité des hommes et des femmes dans un texte que je ne résiste pas à recopier :

Quand je dis « l’homme », il est bien entendu que je n’entends pas parler de l’être masculin seulement, mais de l’un comme de l’autre sexe, de l’être humain dans le sens le plus complet. C’est une observation que je fais une fois pour toutes au lecteur. Pour moi, l’humanité est l’humanité ; je n’établis aucune distinction hiérarchique entre les sexes et les races, entre les hommes et les femmes, entre les noirs et les blancs. La différence dans l’organisme sexuel pas plus que la différence dans la couleur de l’épiderme ne saurait être un signe de supériorité ou d’infériorité. Autant vaudrait dire que, parce qu’il y a des hommes dont les cheveux sont blonds et d’autres dont les cheveux sont bruns, cela constitue deux espèces dans l’humanité, et qu’il y a lieu d’affirmer la supériorité des blonds sur les bruns ou des bruns sur les blonds. « L’égalité n’est pas l’uniformité ».

Ce texte est signé par un prolétaire qui a pris la parole à l’enterrement de Louise Julien, après Victor Hugo, parce que, a-t-il affirmé, il n’y a pas de raison de laisser la parole seulement à ceux qui l’ont toujours.

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