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20 décembre 2022

La nuit Aragon

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La nuit Aragon, c’est d’abord Aragon, et c’est la nuit, « deuil du ciel », un long poème comme il en a tant écrits, sa nuit, « le droit au malheur, le droit d’être faible et nu dans les draps ».  Elsa est morte et Louis se souvient, et Louis est seul comme le roi Lear. C’est aussi la nuit où les drapeaux « font ce bruit de toile claquant sur les toits ». Il n’est pas seul, il est foule. « C’est un poète ». Ce poème s’achève sur un mouvement : « plie en arrière en parlant ton jeune et maladroit poignet ».

Ce n’est pas seulement le poignet, qui peut-être suffirait pour écrire, c’est tout le corps qu’engagent les danseurs, les danseuses, dans une autre écriture : la chorégraphie. Elle est ici éblouissante. On en reste ébahi. Combien sont-ils ? Quel tableau me semble-t-il reconnaître dans ce groupe qui avance comme un seul homme ? À quelle autre chorégraphie me font penser les passages de l’un à l’autre solo ? Et ce piano était-il là, sur le plateau, depuis le début ? Aragon ne quitte pas la scène, il y invite même d’autres poètes, nombreux : Ovide, Garcia Lorca, Apollinaire, Hölderlin, Rilke, Verlaine, Nerval, Khatchatour Abovian. Il s’ouvre ainsi lui-même. Les mots se mettent à chanter d’eux-mêmes sans qu’on les en prie. La poésie (mais qu’est-ce que la poésie ?) me prend depuis les pieds jusqu’à la tête, depuis la tête jusqu’aux entrailles et les morts ne sont plus morts et Elsa est toujours là sur les bords de la Neva ou en Andalousie. Et simplement Louis Aragon dit qu’un certain jour de 1927 il adhéra au Parti Communiste et quand il dit pourquoi il dit l’insupportable arrogance de ceux qui font mourir les pauvres gens sur le Chemin des Dames en 1917 et encore avant dans la Commune de Paris en 1871 et aux Dardanelles et ceux de l’Affiche rouge et encore et encore. Alors, oui, l’engagement. Et sur scène se déploie et tournoie le drapeau rouge. Puis la trentaine de jeunes gens reviennent écouter cet homme qui s’est ouvert à nous et nous alerte : « Le temps brûle ».

C’était ce samedi 17 décembre, au !POC! d’Alfortville (94). Un spectacle du Théâtre du Corps (Marie-Claude Pietragala et Julien Derouault et leur Compagnie), invitant Florent Marchet, Levon Minassian, Patrick Mille, Christian Benedetti.

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