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main tenant
5 décembre 2020

À partir de Chromes, de Maylis de Kerangal

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L’IMEC (Institut Mémoires de l’Édition contemporaine) vient de publier un ouvrage dans sa collection « Diaporama », où Maylis de Kerangal est invitée à parler de son travail en s’appuyant sur des images. 

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Ce petit livre (37 pages) s’ouvre sur une photo de Claude Nori (éditions Contrejour) qui permet à Maylis de Kerangal de parler de sa façon d’entrer dans l’écriture : comment arriver dans cette île ?  Elle évoque alors les cartes sur lesquelles l’espace s’écrit en traits et en noms : « une carte a toujours quelque chose d’une carte au trésor ». Cette idée la conduit dans la grotte de Lascaux où, au milieu du XXe siècle, l’abbé Glory décalqua, retraça, recopia les dessins inscrits là par des hommes et des femmes du paléolithique.

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D’une carte à l’autre, c’est l’occasion pour elle de regarder dehors, de voir la nuit sur les villes, de voir tomber la pluie sur les vitres, de choisir l’angle d’un paysage, cette forêt, par exemple, photographiée par Georges Shiras  (L’intérieur de la nuit, éd. Xavier Barral).

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« Le canoë longe les rivages d’un lac noir, lent et silencieux ». Puis elle montre une pierre qui me fait penser à ce merveilleux livre publié par le Museum National d’Histoire Naturelle - Atelier EXB-, La lecture des pierres, de Roger Caillois (photo de Camille Gévaudan). « J’ai pensé, écrit-elle, qu’écrire un roman c’était comme fendre une pierre ».

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Avec ces éléments, ces photos, ces quelques mots, je vous invite à écrire un texte qui nous fera voyager depuis le bateau jusqu’au coeur de la pierre.

Exemple :
Embarquer, pour aller jusqu‘à cette île qui marie le feu à l’eau sans savoir où commence la vie, où elle finit. La terre sème des volcans qui surgissent parfois de l’océan pour me rappeler que je danse, que je roule, que je bondis, que je risque de couler aussi. J’ai pourtant préparé ce voyage, lu et relu des portulans d’antan, des cartes plus récentes. J’y ai vu les noms des ports, j’en ai rêvé. J’ai rêvé de cet ailleurs dessiné sur des feuilles frottées contre le bois, contre la roche, cherchant dans ces traces le chemin. Le rêve me ramène toujours vers ce rivage bordé d’arbres luxuriants où courent la nuit des animaux craintifs mais rapides comme l’éclair et que je n’ai pas le temps de reconnaître. Viennent-ils d’un passé encore plus lointain que les cartes ? Où s’enfuient-ils de me voir approcher, inconnu, dans cette nuit, dérangeant leur vagabondage ? Sur la rive où je ne pouvais pas rester parce qu’une force me poussait à repartir, j’ai trouvé une pierre ouverte comme un fruit. La ramenant à la lumière j’y ai vu mon voyage. Qui donc l’avait fait avant moi ?

C’est à vous main tenant. Glissez-vous dans les pas de Maylis de Kerangal et postez votre texte dans les commentaires ci-dessous. Merci.

Commentaires
E
Depuis plusieurs jours, depuis l’embarquement en fait, s’étend jusqu’à l’horizon le chrome liquide sous le soleil laiteux. Sans temporalité, sans remous. A la fois mobile et immobile sur le navire entre ces deux liquides non miscibles.<br /> <br /> Le chrome est un métal de transition que le hasard associe au voyage, à ce voyage, se dit-elle, vers une destination d’hypothèses. Sa tête se perd dans le liquide opale et rêve d’un corps suspendu et courbé dans un fluide dense et chaud. Abandon. Elle ferme les yeux.<br /> <br /> Avant le départ, elle avait coupé, elle-même, ses cheveux très courts. Lentement, solennellement. L’amas se formait dans le silence. Avant de le disperser, elle s’attarda sur le réseau qu’il formait et reconstitua spatialement les infrastructures de la carte. A cette pensée, une tristesse la prit. Que le cerveau de l’homme moderne signifie tout. Qu’elle doit écarter les cheveux du langage des hommes et se perdre dans la langue des cheveux. Mutisme et contemplation.<br /> <br /> Dans le pétrole des vagues, elle aperçoit des masses sombres qui vacillent. Sa tête se perd dans la vie fragile et secrète des êtres qui ignorent l’observateur. Une vie fugace mais intense.<br /> <br /> Elle caresse la rambarde en bois. Son doigt se perd dans une pointe métal. Au-delà du sang, il y a l’écorce de la peau qui habituellement cache et protège l’intérieur anonyme. Magnifique et palpitant. Elle masse le bout du doigt. Le mouvement balance, ouvre et ferme, la fente. Ouvre et découvre ce monde comme une pierre fendue.
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F
- Embarque pour découvrir ton île. Embarque sans hésiter. Ne reste pas sur le rivage. <br /> <br /> Commence ton aventure de port en port, en suivant les routes tracées par les navigateurs. <br /> <br /> Tu as lu toutes les cartes marines et même les portulans pour naviguer sur les océans ? <br /> <br /> Risque-toi maintenant sur des mers inconnues, toutes voiles déployées. <br /> <br /> Et puis un jour, devant toi, une île surgira de la brume. Tu sauras que c'est celle que tu cherchais. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> - Cette île, au bout de l'océan, je l'ai trouvée. <br /> <br /> Elle m'a effrayé au premier abord avec la silhouette menaçante de son volcan se découpant sur le ciel bleu. Mais cette terre, au milieu de l'océan la voulais-je paisible, rassurante ? <br /> <br /> Mon coeur s'est mis à battre très fort en accostant sur la plage noire. Puis j'ai eu envie de courir, danser, sauter, aimer et découvrir un autre univers. <br /> <br /> Est-ce le volcan qui gronde qui me donne cette énergie ? <br /> <br /> Je suis parti en reconnaissance, porté par une joie nouvelle. Et là j'ai trouvé des merveilles comme cette grotte extraordinaire dont l'immense voûte s'ouvre sur le ciel. <br /> <br /> C'est là que je viendrai me réfugier pour rassembler dans ma mémoire les souvenirs de ma vie entière. Parois scintillantes sous les rayons du soleil, votre lumière pénètre tout mon être. <br /> <br /> J'emporte avec moi vos pierres cristallines. <br /> <br /> Attention, la marée monte. Il faudra bien noter les heures où je serai le roi de ce palais, sans le partager avec l‘océan. <br /> <br /> En retournant au bateau, j'ai longé, au crépuscule, la forêt aux arbres immenses . <br /> <br /> Des biches s'enfuyaient, des oiseaux s'envolaient à mon arrivée. <br /> <br /> Cette jungle m'enchante je viendrai l'explorer dès demain. <br /> <br /> <br /> <br /> J'ai visité beaucoup d'îles où je ne suis pas resté. Je ne repartirai pas de celle que je viens de découvrir et qui m'enchante. <br /> <br /> Me voilà avec le désir fou d'écrire un Dictionnaire amoureux des Îles.
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F
J’ai sillonné le monde, en tous sens, par tous les temps, j’ai traversé des montagnes et des déserts, par tous les continents, j’ai surfé sur la vague, je me suis laissé porter par tous les vents, j’ai partagé le pain, le riz, la semoule, le café noir comme le jais, et les rires avec les habitants, j’ai senti la morsure de la bise glacée du grand sud, au pôle, et le baiser brûlant du sirocco sur mon visage. J’ai bu l’eau fraîche des fontaines et des torrents, ainsi que le thé brûlant dans les terres arides. J’ai traversé des contrées prétendument inhospitalières, j’y ai trouvé tous ceux qui, ayant dit non, avaient pris des chemins de traverse pour s’éloigner de la route principale dont ils refusaient le tracé longiligne, si angoissant.<br /> <br /> C’est ainsi que par un beau jour de printemps, mes pas m’ont portée au petit port blotti contre la montagne, épicentre d’un monde inconnu du grand nombre, parce que difficile d’accès, et qui tenait à le rester. J’ai été attirée par ce lieu, comme aimantée. Alors je l’ai vue, petite embarcation sans moteur, faite de bois, maintes fois retapée, maintes fois repeintes, maintes fois rafistolée avec les moyens du bord, petite chaloupe toute fragile, probable vestige de quelque naufrage effrayant. Ce frêle esquif m’a plu au premier regard parce qu’il avance à coups de rames et s’en remet, le plus souvent, au gré du vent. <br /> <br /> A son bord, un homme, tout de blanc vêtu, son dos voûté par le travail harassant de ceux qui vivent, tant bien que mal, de ce que la mer a à leur offrir, des yeux noirs perçants à partir desquels partent des rides formant comme une toile d’aragne sur son visage buriné, maintes fois bruni et mordu par le soleil, cerclé par un halo vaporeux de cheveux blancs qu’agitait le vent du large. Il était pauvre, comme ceux qui savent qu’être riche signifie ne rien posséder, pauvre, comme le sont ceux qui ne veulent rien de plus que ce qu’ils ont : une vie simple et riche de la beauté environnante, la pauvreté vécue comme un trésor offert à qui le mérite, à qui le comprend et surtout, à qui le voit, qui le perçoit.<br /> <br /> Nous nous sommes observés, longuement, pour faire connaissance, sans mot dire. Et puis il m’a tendu la main pour m’inviter à monter à son bord. Je lui ai rendu son sourire et nous avons largué les amarres, levé l’ancre, mis le cap au large et j’ai saisi les rames. J’ai écouté Nacer, attentivement. Comme jamais personne n’avait pris cette peine jusque-là, il débordait de mots accompagnés de la danse fascinante de ses mains, spectacle qu’il m’offrait, mais aussi à la mer, les poissons aux aguets, au ciel, aux vents, les oiseaux pour témoins, aux abysses, dont les entrelacs formaient des arabesques, labyrinthe des profondeurs aussi épais et impénétrable qu’une forêt sous les tropiques. Aucune carte ne permet de s’y orienter. Tous ceux qui ont tenté ne serait-ce que d’en tracer les contours s’y sont perdus, à jamais. Nul ne sait s’ils ont survécu. Nul n’en est jamais revenu. C’est le plus secret des lieux.<br /> <br /> Nous avons levé ses casiers posés au fond du large et c’était comme si un croissant de lune, un morceau de soleil et une comète s’étaient laissé prendre dans ses filets pour réchauffer son cœur et émerveiller le mien.<br /> <br /> Nous avons partagé le pain, le fruit et l’eau. J’ai sorti la thermos de thé que j’emporte partout, toujours et j’ai évoqué mes pérégrinations dans ma quête de la moitié de gemme, perdue si longtemps auparavant, que nul ne s’en souvenait, celle qui me permettra de reconstituer la sphère parfaite, indestructible, celle qui brillera de mille feux, pour l’éternité, au sein du firmament. Nacer a réfléchi, tout en sirotant son thé, en connaisseur et puis il a sorti son filet, il l’a lancé au-dessus des eaux, l’a tiré tout doucement vers nous. Il m’a donné la moitié de gemme, accompagnée de quelques perles qui s’étaient laissé prendre aussi. J’ai joint les deux morceaux de la gemme et avec mon lance-pierre, nous l’avons lancée, ensemble avec les perles, pour qu’elle ne soit pas seule, de toutes nos forces, visant le ciel à la verticale. Elle s’est accrochée, tout là-haut, a pris les perles pour satellites, elle s’est allumée et nous a baigné de sa lumière douce et chaude, enfin retrouvée, c’était apaisant, comme un pardon, comme une bénédiction. <br /> <br /> Enfin heureuse d’avoir accompli ma quête, un peu triste également d’être arrivée au terme de mon aventure, mais si bellement, j’ai déposé un baiser de gratitude et de respect sur sa main caleuse.
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J
I <br /> <br /> <br /> <br /> « On est devenu soi-même imperceptible et clandestin dans un voyage immobile. <br /> <br /> — Mille Plateaux, « Devenir-intense, devenir-animal, devenir-imperceptible ». <br /> <br /> <br /> <br /> Gilles Deleuze <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> - Comment entreras-tu dans l’île ou autrement dit en écriture ? <br /> <br /> - En naufragé. <br /> <br /> <br /> <br /> Je dérive vers l’île, suis-je déjà échoué comme un paquet d’écoutilles ? <br /> <br /> La nuit je vogue en vague. Les constellations forment de longues myriades enguirlandées dans l’encre noire de l’univers. Je dérive les yeux fixés sur les entrelacements d’étoiles et de planètes encore jamais vues. Quand je disparaîtrai mon âme ira-t-elle coloniser une étoile ? <br /> <br /> Et ces cris rauques proférés par les Goélands comme de la parole ? <br /> <br /> Au loin se dessine un îlot au milieu duquel émerge une montagne, un volcan comme le nombril : Ogygie ; au centre y habite une nymphe redoutée. <br /> <br /> <br /> <br /> Etre sa propre carte : sa topographie du vivant <br /> <br /> <br /> <br /> J’ai échoué ici avec la certitude d’être vivant. Certes, ne possédant plus rien de personnel, (en était-ce la condition?) mon enveloppe est un radeau déserté. Elles ont enveloppé mon corps dans un drap de lin, puis elles m’ont transporté jusqu’à l’entrée d’une grotte ornée de vigne de laquelle pendaient de lourdes grappes, je crois qu’elles chantaient : leurs voix étaient resplendissantes et la lumière d’un feu à fragrances de cèdres raviva ma narine. <br /> <br /> J’ai senti leur main sur mon corps. Elle répandait l’huile d’argan, mêlée d’huile essentielle de cèdre de l’atlas. Leurs doigts fermes couraient sur mes lombaires, mes cervicales, mes cuisses, pétrissaient mes trapèzes, revigorant mon corps dans la chaleur de ma chair assoupie. <br /> <br /> Mes nuits furent agitées, je m’éveillais en sursaut, manquant d’air, m’enfonçant, - cauchemar- irrémédiablement dans la mer vineuse. <br /> <br /> Je levai la tête pour prendre une bouffée d’oxygène. <br /> <br /> <br /> <br /> Lecture du ciel nocturne <br /> <br /> <br /> <br /> Parfois, la mer était calme et ma dérive presque voluptueuse ; dans mon malheur, je lisais le ciel, ma seule distraction. Je reconnaissais la Grande Ourse et la Petite Ourse avec au bout l’étoile polaire, le dragon qui serpente entre Cassiopée et son mari Céphée. Il m’arrivait de pleurer sur le sort de la divine Andromède ! Les étoiles filantes traçaient dans le ciel sur fond noir, ces lignes éblouissantes, dans l’encre sépia du cosmos ! <br /> <br /> En sueur et en larmes, me parvenait alors une voix qui me parlait lentement, chaleureusement, <br /> <br /> <br /> <br /> II Je me réappropriai mon corps, le langage et l’image <br /> <br /> <br /> <br /> Mais Voici venir l'air <br /> <br /> <br /> <br /> Le corps ne pèse plus, il vibre dans l’air tiède, il flotte dans une légère apesanteur d’étoffe sensible, un songe sensuel soulevé parfois par le souffle marin d'Ogygie, éphémère sensation, au seuil de mon éveil à la vie subtile du corps. <br /> <br /> La face obscure du jour, qui efface les frontières du visible, élargit tous les horizons, explose les possibles et tout devient vivant ! <br /> <br /> Maintenant c'est la nuit, c'est la nuit d’été à Ogygie, une nuit ronde, pleine comme un œuf... une nuit frémissante et vibrante de rumeurs, de senteurs de fleurs de magnolias qui s'évaporent dans l'air suave. Le zéphir ramène des fragrances épicées de cèdre, de pin, d'eucalyptus et quelques pointes de menthe. Ogygie est un jardin odorant et doux, posé sur une mer calme sur laquelle la grosse hostie lumineuse infuse sur la mer d'huile, ses lactescences d'argent. <br /> <br /> Il ouvre les yeux, la multitude des étoiles baigne la tête chenue. Il est étendu sur le dos, le regard perdu dans la voûte céleste dont il semble ne jamais avoir été aussi près que maintenant. Son ventre se gonfle et se dégonfle paisiblement (comme une outre, d’outre vie). Pour la première fois de sa vie, il est son corps et il fait corps. Pourquoi maintenant ? La présence matérielle de son corps s'impose avec simultanément la conscience globale de l'environnement de l'île. Les mots viennent, le transpercent et repartent en laissant de longues traînées d'impression, au sens littéral, comme les rubans gazeux que laissent derrière elles les comètes chevelues qui traversent l'univers ! Sont-ce des mots, des sensations, des émotions qui tournent en lui ? Tout est encore très confus mais ce qu’il ressent n’est pas comme d’habitude. Cela s’impose à lui, ce sont des saveurs, des odeurs, des couleurs, des images... des poèmes sans mot, des sensations confuses, hallucinations auditives et verbales des mots qui se posent comme des oiseaux migrateurs. <br /> <br /> Il est le siège d'un tumulte qui prend corps en lui... enfant, son père lui avait construit un cheval à bascule et il se voit dessus avec un casque d'airain à crin de cheval trop grand pour lui... sa mère en train de coudre, sourit... ma mère, sa mère ? Maman où es-tu ? Oh maman ! Je suis un mauvais fils ! Son front se ride, sa tête se soulève puis retombe, le cœur redevient paisible. <br /> <br /> Depuis tout petit son corps était une machine pour agir, ou pour atteindre des objectifs. Tenir un glaive, chevaucher un cheval, galoper sur les chemins creux et secs d'Ithaque, faire l'amour à Pénélope. Mais surtout se battre. Et là, ce corps devient un monde autonome qui s'anime...malgré lui, un monde dense et riche, rempli. Mais pas uniquement un réceptacle mais aussi un émetteur. Il suffit de se mettre à l'écoute. Comment se fait-il qu'il ne l'ait jamais entendu ? Il perçoit un léger petit courant d'air frais dessinant avec exactitude les contours de son enveloppe. Il se sent de la plante des pieds aux racines des cheveux, avec une acuité particulière. Mais quelque chose se passe. Quelque chose vient… l’envahit de l’intérieur, le soulève avec une excessive énergie. <br /> <br /> * <br /> <br /> C’est maintenant un rêve d’amour. La nymphe chevauche le héros et prend son plaisir en dodelinant légèrement d’avant en arrière, effectuant une rotation avec son bassin. Sa croupe est fermement calée sur le sexe d’Ulysse, on dirait même vissée, emboitée, comme si elle avait trouvé l’axe autour duquel, elle peut enfin danser, vivre, ressentir les émotions humaines d’une femme amoureuse. La déesse dans le plaisir resplendit de mille feux, heureux Ulysse qui rêve encore, en toute léthargie. Il rêve et ressent, ce qui vient d’être écrit un peu plus haut. L’amour est l’énergie qui circule à l’intérieur de lui et lui restitue toues les sensations et les émotions. La vision et la pensée le fécondent. <br /> <br /> * <br /> <br /> Une pluie d’été tombe avec vigueur et douche le corps, les grosses gouttes tapent, glissent et tambourinent sur les feuilles des arbres et toute la végétation de l’île gonfle et respire. Il a plu quelques minutes et cependant quand l’averse cesse, la terre exhale toutes les fragrances de fleurs, de fruit et toute la végétation luxuriante de l’île explose de puissances de désir de vie… Ulysse a la tête baignée d’eau de rose ; son corps est lavé. Il sent avec une intensité rare toutes les odeurs, de jasmin, lys, jacinthe, giroflée, violettes et glycines… les narines remontent le big-bang des odeurs avec en arrière fond des notes plus sucrées de figues mûres. <br /> <br /> Lui-même se sent éclore comme une fleur de pivoine… il sent qu’il est au coeur d’un cosmos, de sensations inexprimables. Il aimerait se sentir pénétré comme pénètre l’abeille à l’intérieur de la corolle. O mon dieu comme il sent le féminin qui le féconde… <br /> <br /> <br /> <br /> IIIPlus tard encore face à la mer tout le jour, il n’aurait pas dû regarder la pierre. Un galet rugueux et strié, non pas dû, car maintenant, il pleure, car au fond du galet érodé, quelqu’un d’autre n’aurait vu que des rayures insignifiantes, lui reconnait le visage de Pénélope.
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J
I<br /> <br /> CLAIRE COUTURE <br /> <br /> 
« Moi je n’ai pas la prétention de vouloir encombrer les étagères des libraires…»
Qu’elle m’avait craché au visage, l’autre jour.
Comment survivre après ça ?
Face à elle mes yeux s’étaient évaporés, avaient plongés sous son bureau.
Mon Dieu ! Ses sandales étaient ridicules. Ses orteils griffaient le parquet.
Comment cette femme qui avait mon avenir entre ses mains, pouvait-elle autant se
négliger ? D’un coup je réalisais, qu’elle n’avait aucun gout, aucun style, dans un
laisser-aller qu’elle voulait artistique, mais qui passait plutôt pour négligé.
Alors ! Toute sa vie, elle ne serait donc qu’une éternelle étudiante en lettres,
entre deux âges, entre deux eaux, dans des frusques achetées chez Emmaüs.
Une vieille fille en solde quoi.
Et je lui faisais confiance !
La pauvrette n’avait même pas relevé l’emprunt de mon titre à la correspondance
de George Sand ! Qu’est-ce qu’elle foutait à ce poste ?
Moi, je l’avais vissé au corps cette prétention.
Et les étagères des libraires, j’en rêvais.
Dès mon retour, je m’y remettais. J’avais trop de choses à dire.
Et comme pris dans les transes de derviches tourneurs, au cœur d’une souffrance
masturbatoire qui m’envahissait, j’écrivais.
Les coups, la vulgarité n’allaient pas m’arrêter.
Et puis que savait-elle de ma vie cette Claire Couture, tout comme toi Adèle,
avec ton air supérieur de femme de médecin. T’étais la même !
Chien abandonné, tu m’avais attaché à un arbre pour mieux partir en vacances.
Tu ne m’aimais pas Adèle ! Tu ne m’aimais pas.
Parfois je te détestais tellement que je pouvais comprendre la violence que
j’imaginais dans ton couple.
Mais pour l’instant je devais écrire. Rien d’autre n’était important.
J’avais ôté mes chaussures, viré mes fringues, et dans la nudité primitive de
l’espèce, les mots jaillissaient sans fin, dans une vague inversée qui remontait à
l’origine, comme ces poissons qui retrouvaient leur rivière et leur lieu de naissance
à contre-courant.
Papa ! Maman !
Je le revois ce brouillard matinal qui enveloppait le bassin de Neptune, dans l'aube
cotonneuse de ce matin d'automne.
Notre immeuble jouxtait le parc du château de Versailles.
Pelotonné dans mes draps bleus, j’inventais des promeneurs avec leurs chiens,
des statues reprenant la pose, des feuilles mortes lançant leur dernier feu.
<br /> <br /> <br /> <br /> 
C'était l'heure où les touristes dormaient encore.
L’heure des gardiens et des dernières rondes.
L’heure fragile de tous les possibles, quand tremblaient le long des allées,
aux creux des bosquets, l’ombre vacillante de courtisanes défaites, décoiffées
et provocantes qui regagnaient leur soupente.
Des jours entiers j’ai écrit…
Des catastrophes pouvaient se produire.
Des gens mourir en bas de chez moi.
Les Insoumis jalouser Macron.
Poutine prendre l’Ukraine.
Et Trump décréter Jérusalem capitale d’Israël.
Je me foutais de tout.
Et puis cette idée comme une évidence a dégouliné de partout :
Je devais coucher avec toi, Adèle
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