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main tenant
28 mars 2020

Les truffes

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(…) les « truffes ». Ce mot de métier désigne tout ce que les lecteurs mettent ou laissent entre les pages des livres : feuilles d’arbre, pétales, brins d’herbe, trèfles à quatre feuilles, lettres, billets de spectacle, tickets de métro ou de bus, photos, notes de restaurant, bribes de tabac, cartes postales, cartes à jouer, allumettes, numéros de téléphone, restes de biscuit, rognures d’ongle, pailles, grains de sable… 

(extrait du livre Le Pilon, de Paul Desalmand)

Chaque marque-page raconte une histoire. Il a pu se glisser là par hasard : il était là, il fallait fermer le livre pour une raison impérative, on l’a pris et glissé à l’endroit où s’est arrêtée la lecture. Il a, au contraire, été choisi pour ce livre-là. Il peut aussi passer d’un livre à un autre. 

Vous avez sans doute une histoire à raconter à propos d’un marque-page, par exemple trouvé dans un ouvrage emprunté à la Médiathèque, ou acheté d’occasion. Peut-être même retrouvé dans votre bibliothèque quand vous n’y pensiez plus. 

Dans votre texte, qui racontera une histoire de marque-page, je vous suggère d’utiliser plusieurs fois le mot truffe : le champignon, l’extrémité du museau du chien, le nez, une personne qui agit bêtement, la friandise au chocolat. Il ne s’agit pas de tous les utiliser, mais au moins trois.

Exemple :

Sous le porche de mon immeuble, un jour d’été, un voisin sans doute avait déposé un carton rempli de livres. J’en ai pris un, me demandant quelle truffe pouvait avoir abandonné là un exemplaire exceptionnel des Misérables, daté du XIXe siècle. Dans le livre, passablement usé, j’ai trouvé un menu du restaurant « À la bonne truffe du Périgord », au dos duquel on pouvait lire : en souvenir du tournage, 1981, et signé de Robert Hossein. Je n’ai pas lu tout le livre mais j’ai parcouru, comme un chien flairant de sa truffe une piste, l’histoire du film où Lino Ventura incarnait Jean Valjean.

Ce paragraphe n’est qu’un exemple. La taille de votre texte sera au maximum de 900 signes, espaces compris, soit une douzaine de lignes (à peu près le double de mon exemple), et au minimum de trois phrases. Vous pouvez, bien sûr, évoquer un fait réel, mais aussi, comme je viens de le faire ci-dessus, une histoire de votre invention. 

C’est à vous main tenant. Merci de poster vos textes dans les commentaires ci-dessous.

Commentaires
L
Ce matin là a été rude, tirée du lit à 6 heures par les cris de joie de mon neveu de 7 ans et par la truffe mouillée de mon chien Moustique, j'ai bien eu besoin de trois doses de café bien serré pour amorcer cette journée. <br /> <br /> <br /> <br /> Moi: "Qu'est-ce que tu veux faire aujourd'hui Hector?"<br /> <br /> Hector (tirant sur la queue de Moustique): "Je veux aller faire de la chasse avec Moustique"<br /> <br /> Moi: (comprenant ce qui se tramait et faisant semblant de ne pas comprendre) "Moustique est très mauvais chasseur, il ne ferait pas de mal à une mouche!"<br /> <br /> Hector (la bouche pleine et des résidus de céréales sur tout le visage): "Je veux partir à la chasse aux truffes avec Moustique, comme l'autre jour"<br /> <br /> Moi: (encore endormie, les yeux mi-clos et souhaitant par dessus tout retourner sous la couette) "Okay, préparons-nous pour chasser la truffe, mais d'abord, lave-toi les dents et débarbouille toi"<br /> <br /> Hector: (se tournant vers Moustique qui d'un grand coup de langue, lui lava le visage): "ça y est, je suis tout propre"<br /> <br /> Moi: (légèrement exaspérée) "Et les dents? Ce n'est pas Moustique qui va te les brosser!"<br /> <br /> <br /> <br /> Quelques minutes plus tard, habillés et harnachés, nous étions fin prêts pour partir à la chasse à la truffe sur la propriété de Mr Michaud qui regorgeait de petits trésors cachés dans le sol.<br /> <br /> <br /> <br /> Hector était tout excité et avançait avec entrain sur la truffière en guidant Moustique. <br /> <br /> Hector: "Moustique, Moustique, par ici, renifle, renifle"<br /> <br /> <br /> <br /> Moustique remuait la queue et marqua un arrêt soudain. C'était le signe qu'il y avait quelque chose d'enfoui ici. Il se mit à creuser avec sa truffe et Hector pris le relai avec une petite pelle en plastique.<br /> <br /> <br /> <br /> Hector: "Oh...qu'elle est belle! Regarde tatie Anna, comme cette truffe est grosse et belle, elle est comme toi!"<br /> <br /> Moi: (en rigolant) "Tu as raison, elle est vraiment jolie Hector"<br /> <br /> Hector: "On peut l'adopter tatie Anna? S'il te plait, s'il te plaît...tatie, s'il te plaît?"<br /> <br /> Moi: "Okay, on ramène la truffe à la maison"<br /> <br /> <br /> <br /> En farfouillant dans les poches de mon anorak, mes doigts partirent à la rencontre de quelque chose qui m'était jusque là étranger, puis, je me rappelais y avoir laissé deux truffes en chocolat en cas de fringale. Il y avait aussi un marque-page, qui avait visiblement résisté au temps. Il était usé et avait une timide odeur de feu de bois. Quel souvenir lointain. Il m'avait accompagnée dans toutes mes lectures durant l'année de mon bac: Beaudelaire, Rousseau, Pennac..<br /> <br /> <br /> <br /> Moi: (montrant à Hector les richesses que recelaient mes poches "Hector, regarde, j'ai quelques chocolats, tu en prends un?"<br /> <br /> Hector: (les yeux écarquillés) "Oui. Merci tatie" (Hector le porta à sa bouche) "Arrff, beurk, il a un goût bizarre ce chocolat tatie. Moi, j'aime mieux les champignons truffes que les chocolats truffes".<br /> <br /> Moi:"Hector, tu vois ce marque-page? Il est plus vieux que moi. C'est papy qui me l'avais offert avec un roman de Romain Gary. Un jour, je t'en ferai cadeau!"
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P
Rangement de la bibliothèque pendant le confinement, voilà une manière intelligente de passer le temps ! C’est ce que je me suis dit ce matin, en me réveillant, la truffe dépassant des draps froissés. Et me voilà debout d’un bond à me débarbouiller et m’habiller pour cette nouvelle mission. Il me faut des forces me dis-je en ouvrant le garde manger et ce délicieux savarin aux truffes fera mon petit déjeuner. Rassasiée, je m’attaque à la plus haute étagère et entreprend de la débarrasser de ces livres posés là depuis au moins 30 ans. Le premier ouvrage que je descends est la fameuse bible des jeunes mamans : « J’élève mon enfant » de Laurence Pernoud. Une fleur séchée, incluse entre deux feuilles de plastique dur, marque une page que j’ouvre comme une évidence. C’est le chapitre sur l’expulsion. Les souvenirs affluent. Trente ans plus tôt, grosse de neuf mois d’attente, je me vois assise sur un canapé à rouler des truffes au chocolat dans une assiette quand je me suis sentie inondée d’un liquide chaud. Je perdais les eaux. Vite alerté, mon compagnon vint m’aider et ensemble nous partîmes pour l’hôpital. A mi chemin, je me rendis compte que, comme une truffe, j’avais oublié le sac de naissance minutieusement préparé depuis des mois… <br /> <br /> Je refermais l’ouvrage en espérant ne pas avoir laissé trop de marque-page dans mes livres sinon il me faudrait quelques mois de confinement avant d’arriver au bout de mon rangement.
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N
Un jour de nettoyage de printemps alors que je vidais mes tiroirs afin d’y mettre un peu d’ordre je retrouvais un marque page que ma sœur avait brodé au point de croix pour m’en faire cadeau à Noël. Des tas de souvenirs me sont alors revenus. Je revoyais les Noëls de mon enfance, les cadeaux faits maison, la préparation des truffes en chocolat. C’était pour nous des moments fabuleux. Oh bien sûr le repas était simple, nous ne mangions ni foie gras, ni de la dinde aux truffes. D’ailleurs à cette époque je ne connaissais que le rosé des prés que nous allions ramasser aux beaux jours avec mon père dans les pâturages. Il n’était pas nécessaire d’avoir une truffe pour détecter la présence de ce champignon qui poussait en abondance et que nous mangions le soir en omelette fiers de notre cueillette.
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J
La truffe, <br /> <br /> Je n’ai jamais succombé aux truffes magnifiques, spécifiquement conçues pour remplir leur fonction de marque page. Je leur préfère leur substitut pauvre, celles qui ne se décrètent pas mais qui se constituent par le fruit du hasard, quand par nécessité, elles nous tombent sous la main. <br /> <br /> Alors une pâquerette fera l’affaire ! Une feuille morte qui craque dans les pages du livre. Ticket de métro usagé et vieilli, ticket de caisse froissé pas esthétique mais bien utile quand il traîne au fond du sac. Quoi d’autre encore ? Bout de papier quelconque, ramassé au hasard, parant au plus pressé, cartes de visite de personnes que l’on n’a jamais recontactées, carte électorale, des photos aussi, des enveloppes, des lettres de ma mère (des lettres d’argent où il est question d’amour). D’anciennes cartes postales, mais surtout : « Madona con Bambino » de Pompéo Batoni, acheté à la Villa Borghese. Parfois quand il faut sortir en hâte du métro et m’arracher de ma lecture, j’attrape à la va vite une épingle à nourrice (très utile pour fixer mes dossards de cycliste). Un brin de mimosa qui teinte la page de sa poudre d’or comme des ailes de papillon. Une queue de cerise… <br /> <br /> Ce qui est touchant justement, c’est que n’importe quoi se prête à cette noble fonction, garde frontalier de la page, ange des lisières qui délimite le lu, le su, du non lu et du pas encore connu. C’est aussi une borne, point dur ou légèrement épais qui entrebâille le livre pour sceller l’interruption de la lecture. <br /> <br /> C’est ainsi que je laisse dans ma bibliothèque, une bonne dizaine d’ouvrages inachevés mais que je me garde bien de lire afin de mieux rêver à leur achèvement.
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G
Depuis le temps que j’étais confiné chez moi – je comptais les semaines, et, si mes calculs étaient exacts, on en était à la 72e – la réserve de boîtes de conserve accumulée avant le jour fatal commençait à s’épuiser. Heureusement, comme j’avais une imposante bibliothèque et que le temps était plutôt humide, je m’aperçus que des champignons poussaient sur mes livres. Au début, je ne remarquai que quelques traces de moisissures, puis, au bout d’un certain nombre de semaines, je vis que ma bibliothèque se transformait peu à peu en une véritable champignonnière. Certes, les nourritures intellectuelles ont toujours compté pour moi, mais je n’ai jamais dédaigné les plaisirs de la table. Et avec cette pénurie, une fricassée de petits blancs agrémentée d’un peu d’ail me changerait de l’ordinaire. Et puis, les livres sur lesquels poussaient ces champignons de Paris, je les avais déjà lus… J’aurais été une véritable truffe si je n’avais pas profité de cette aubaine ! Je me mis donc à humidifier mes livres, du moins ceux que je ne souhaitais plus lire, afin d’améliorer ma pitance, qui manquait sérieusement de produits frais… Je me mis même à comparer les « races » champignonnières obtenues par ce procédé : ainsi, la récolte « Balzac », savamment obtenue à partir de l’intégrale de "La Comédie humaine", avait un parfum délicat et rappelait le terroir. Celles qui poussèrent sur ma collection des "Rougon-Macquart" avaient un goût plus prononcé, légèrement épicé, qui chatouillait agréablement mes papilles. En revanche, je ne me risquai pas à goûter celles qui apparurent sur les œuvres de Sade : l’aspect tacheté des champignons les faisaient ressembler à des amanites phalloïdes… Je testai ainsi plusieurs romanciers avec des résultats gustatifs fort variables, et je me décidai un beau jour à essayer de récolter sur de la poésie. Je me mis donc à feuilleter les ouvrages que je souhaitais mettre en culture et à réserver ceux dont je souhaitais relire les poèmes. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, entre deux pages d’une anthologie, je découvris une truffe. Non, pas une désuète fleur séchée, laissée là par une lectrice en manque d’affection, ni une de ces notes laissée par un de ces professeurs consciencieux, ni encore un de ces marque-pages colorés d’un goût plus que douteux – pas ce genre de truffe ! Non, une vraie truffe noire, qui sentait bon le chêne et le noisetier, un véritable Tuber melanosporum ! J’avais ainsi trouvé une truffe sans l’aide de celle plus experte d’un chien ! Dans cet univers sinistre et contraint, cette trouvaille me procurait une joie inespérée. Mon existence allait-elle retrouver un peu d’espoir avec ce signe gastronomique ? Je regardai sur quel auteur ce joyaux noir avait élu domicile: il s’agissait du chapitre consacré à Genet, et la truffe avait poussé entre deux pages du "Condamné à mort"…
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