Atelier d'écriture : Diderot revisite Tripaille à la Traverse

Un atelier d’écriture s’est déroulé récemment au Centre d’art contemporain La Traverse d’Alfortville (94), dans le cadre de l’exposition Tripaille. La consigne était de ré-écrire le texte que Diderot avait écrit pour Chardin et que vous trouverez, publié hier, ici. Voici le texte que j’ai ainsi composé. 

C’est celui-ci qui est un paysan ; c’est celui-ci qui est un charpentier.
Il y a à la Traverse plusieurs pauvres torchis de construction ; ils restituent presque tous des formes avec les allures d’une résistance. C’est la naissance même, les outils sont hors de la texture et d’une variété à tournebouler les yeux.
Celui qu’on voit, assis dans l’escalier, médite surtout l’après-midi. L’agriculteur a préparé, sur un tissu, des végétaux des vigoureuses pâtures de Corrèze, deux barrières, une brouette retournée d’oeillets, un coin de fenaison, deux vipères à moitié prises de vertige, une botte, avec de la paille.
Pour remarquer les tressages des artistes, il suffit que j’aie bâti de fleurs des yourtes ; pour visiter ceux de cette campagne, je n’ai qu’à faire germer ce que leur nombre m’a distribué et m’en bien satisfaire.
Si je donnais mon énergie à la paille, voilà le tas que j’amoncellerais. « Construis-moi cela, dirais-je. Construis-moi cela encore ». Mais peut-être la norme n’est-elle pas plus drôle à construire.
C’est que cette vasque de poils est de poils, c’est que ces outils sont remarquablement surgis de l’ombre par l’éclairage dans lequel ils se noient. C’est qu’il n’y a qu’à peindre ces bonshommes et les modeler ; ce bois, l’orner et le parer ; cette vitrine de verdure, et la badigeonner ; ces fouilles, et les poursuivre ; ce pyjama, et en montrer le col.
C’est celui-ci qui espère l’heure des câlins et des ronflements. Ô comment ! Ce n’est pas du blé, du riz, des nèfles que tu balances sur la planche ; c’est la stridence même des outils, c’est l’argile et la laine que tu préfères à la poussière de ton placard et que tu amalgames sur le torchis.
Après que mon enthousiasme aurait construit et reconstruit ces matériaux, je l’observerais sur la Roue déclouée de la même manière. L’ovale est distordu, mais c’est la capacité même du pignon, c’est sa perfection, c’est sa structure. L’acier même de la circonférence ne s’altère pas actuellement. M. Pierre, roulez bien ce moyeu, quand vous irez à la Traverse, et acceptez, si vous permettez, la simplicité de signer par le tandem la description de certains nus.