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19 juin 2019

Le tour de l'oie, d'Erri de Luca

G02421

Pour évoquer le livre d’Erri de Luca paru récemment, Le tour de l’oie, j’emprunte un mot à Cynthia Fleury, mot qu’elle tient elle-même d’une femme : « désenfanté ».

« Qu’est-ce qu’une mère désenfantée ? C’est une mère endeuillée, qui a perdu un enfant, ce sont aussi celles qui n’arrivent pas ou ne sont pas arrivées à avoir un enfant et qui portent cela comme une tristesse et une errance infinies. Il ne s’agit nullement de dire qu’avoir un enfant est nécessaire au sujet et encore plus à la femme. Il ne s’agit nullement de ça. (…) Je ne parle pas ici des pères désenfantés, non pas parce qu’ils n’existent pas, mais parce que c’est ainsi : la clinique qui est la mienne sur cette question-là est essentiellement peuplée de femmes. » (on trouve ce texte, lu un matin de mars dans l’émission Boomerang sur France Inter, dans le Tract n°6 des éditions Gallimard, Le soin est un humanisme)

Erri de Luca est un père désenfanté. Quelles qu’en soient les circonstances, il n’a pas eu d’enfant et, se trouvant un soir seul chez lui, il lisait « un livre où un vieil homme s’invente un fils. C’est un menuisier et il le fait en bois. » On a reconnu Geppetto. Mais dans un livre précédent, Une tête de nuage, Erri de Luca parlait aussi d’un menuisier, Iosèf, père adoptif d’un enfant nommé Ieshu. C’est donc que cette question est importante pour l’auteur qui se décrit comme un ouvrier, un travailleur manuel : « J’ai porté le plus élégant des parfums masculins, l’odeur de la résine et de la sciure ». À présent il gagne de l’argent avec les histoires qu’il écrit, et il n’a pas d’enfant. Il s’en invente un ce soir-là et s’engage alors avec lui une discussion qui les mènera au bout de la nuit.

J’en retiens, à titre personnel, quelques passages :

  • « Ce n’est pas bien, tu sais, de se moquer de son père. » C’est aussi ce que disait le mien, sur le ton de la plaisanterie.
  • Quand il joue seul aux cartes, il voit sa mère assise en face de lui. Cela m’arrive aussi, parfois.
  • La fin du livre me fait penser à la fin d’un poème de Jehan Rictus, Le Revenant : « Et j’m’aperçus que (…) c’était moi. J’m’étais collé d’vant l’miroitant d’un marchand d’vin. » C’est annoncé dans une phrase : « Je ne vois rien d’autre au fond du verre vide. J’y verse du vin, parce qu’il n’y a rien d’autre ».
  • « J’ai été un apprenti au bal du XXe siècle. »

Maintenant, il faut fermer les yeux

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