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24 janvier 2019

Le lambeau, de Philippe Lançon

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J’ai commencé la lecture du livre de Philippe Lançon à la fin du mois de décembre. Il m’est arrivé une fois ou deux de me réveiller la nuit pour la poursuivre. Et j’ai soudain ressenti la nécessité de la terminer avant le 7 janvier.

Parce qu’évidemment cette date revient dans le texte. Elle est celle d’un arrachement, celle de la mort, la mort de ceux de Charlie qui étaient réunis ce jour-là, mais aussi la sienne. Un homme en lui est mort, un autre a survécu. Ce livre n’est pas un journal ; il est écrit près de deux ans et demi après l’attentat. Il témoigne certes d’une expérience mais retrouve aussi « la cruelle phrase de Céline : L’expérience est une lanterne sourde qui n’éclaire que celui qui la porte. »

Céline, Proust, Thomas Mann et d’autres accompagneront la réparation du physique et de la mémoire de l’auteur. Il y a aussi Shakespeare, Houellebecq, Chandler : autant de points d’accroche qui ancrent à nouveau l’homme dans le monde. « Je ne vivais, écrit-il, ni le temps perdu, ni le temps retrouvé ; je vivais le temps interrompu. »

Il n’est pas devenu spécialiste du terrorisme ni de l’islamisme. Il ne cache pas ses peurs ni ses douleurs même s’il est à ce propos suffisamment pudique pour qu’on n’en fasse pas un héros.

Il console celles et ceux qui sont venus le consoler. Il exprime sa gratitude envers le personnel hospitalier. S’il travaille à reconstituer sa mémoire (et ses écrits, ses lectures antérieures l’y aident), il fait sienne cette opinion proustienne : « L’écriture était bien le produit d’un autre moi, un produit précisément destiné à me faire sortir de l’état où je me trouvais, quand bien même il consistait à raconter cet état. »

Pendant plusieurs mois, il n’a pas pu parler, il était donc obligé d’écrire. C’était d’abord sur une ardoise : il écrit, il efface. Pas de traces de ces mots-là. Puis il pourra utiliser à nouveau un ordinateur, échanger plus longuement, mais toujours lentement, avec les autres. Il trouvera, chemin faisant, cette citation de Michel Foucault : « J’ai substitué à l’ineffaçable de la cicatrice l’effaçable, le raturable de l’écriture. »

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