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8 août 2018

1984, de George Orwell, traduction de Josée Kamoun

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De 1984, on se souvient de cette formule sous un portrait : « Big Brother vous regarde ». Cette fois, c'est plus direct : « Big Brother te regarde ».

La lecture que je viens d’en faire (dans une nouvelle traduction) m’a glacé. « Pour commencer, il n’est même pas sûr d’être en 1984 ». C’est peut-être aujourd’hui, le temps étant venu des écrans qu’on n’éteint pas, et le livre est écrit au présent.

Il y a trois groupes d’individus : ceux qui sont du Parti Intérieur ont le pouvoir ; un deuxième groupe rassemble la classe moyenne, celles et ceux qui travaillent dans les ministères, Ministère de la Vérité (qui fabrique les mensonges), Ministère de l’Abondance (qui s’occupe de la disette), le Ministère de la Paix (c’est-à-dire de la Guerre), le Ministère de l’Amour (qui organise la Semaine de la Haine et les tortures) ; et il y a les « prolos », qui n’ont rien, pour qui on invente des chansons, qu’on garde dans la terreur, qui n’ont accès à aucune instruction. Mais tous et toutes (à l’exception de la minorité du Parti Intérieur) vivent dans des conditions désastreuses, dans une absence totale de liberté et sous la menace permanente de la guerre. Les slogans du Parti affirment : « Guerre est Paix, Liberté est Servitude, Ignorance est Puissance ».

Winston Smith, dont le travail consiste à réécrire le passé en fonction du présent, va faire l’expérience de la révolte, à moins que ce ne soit celle de la soumission totale, puisque tout est le contraire de tout. Nous allons le suivre dans son éveil à la résistance, dans la naissance d’une relation amoureuse (interdite par le Parti), dans son attachement à la valeur du passé. Mais le passé existe-t-il ?

Le Parti le nie. Pour le Parti, Big Brother a toujours raison, c’est pourquoi il faut changer le passé quand le présent lui donne tort. Et, si le Parti a toujours raison, c’est qu’il n’y a pas d’alternative : la guerre est permanente, la guerre justifie tout, guerre contre les autres blocs extérieurs, guerre contre l’ennemi intérieur. Et la propagande réussit le tour de force de faire passer une privation pour un bienfait. Les enfants dénoncent les parents, et les parents les y encouragent. La propagande est surtout l’invention d’un langage, le « néoparler », dont l’usage sera codifié définitivement en 2050, après qu’on ait réécrit toute la littérature. Les mots disparaissent. Un jour, on ne comprendra plus « Liberté est Servitude » puisque le mot « Liberté » aura disparu.

Ayant lu il y a quelques temps le livre d’Annie Le Brun, Ce qui n’a pas de prix, j’ajoute que le mot « Beauté » aura sans doute, lui aussi, disparu. 

Un autre livre, lu récemment, Le grand B.A.L., de Gilles Clément, nous alerte sur le fait que nous ne voyons que ce qu’on veut nous montrer : le « paysage du mensonge ».

Et quand nous comprenons comment on nous manipule, en cette époque où les écrans sont multipliés et nous accompagnent dans notre intimité, nous ne comprenons pas pourquoi. Le livre de George Orwell nous donne quelques pistes.

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