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main tenant
2 juin 2018

Dorica castra

 

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Michelle Grangaud a publié, en 2000, un livre intitulé Souvenirs de ma vie collective. Si le titre de ce livre d’une oulipienne me fait penser au livre d’un autre oulipîen, Georges Perec, Je me souviens, le procédé n’est pas le même. S’attachant à aligner des phrases relatant un souvenir partagé avec d’autres, Michelle Grangaud utilise une figure de style appelée dorica castra, qu’on retrouve dans la comptine « Trois p'tits chats, trois p'tits chats, trois p'tits chats, chats, chats / Chapeau d' paille, chapeau d' paille, chapeau d' paille, paille, paille / Paillasson, paillasson, paillasson, -son, -son… »
C’est la reprise d'un même son de la fin d'une unité au début d'une autre unité. Ici, l’unité sera la phrase.

Voici les premières phrases du livre de Michelle Grangaud :

« Le temps, déguisé en temps voulu, sort de la nuit des temps.
Étendue sans limite des jours qui déclinent.
Clignotant rouge du répondeur téléphonique, luisant dans l’obscurité, vers deux heures du matin.
Atteint de somnambulisme, le boulevard vagabonde sombrement et en solitaire entre les grands lampadaires.
Derrière le monde, il y a du monde et d’autres mondes.
Ondulation permettant de remettre ce qu’on peut faire le jour même dans la poche du lendemain.
Main tenant l’extrémité du tuyau d’arrosage, comprimée par le pouce pour mieux diriger le jet d’eau et en augmenter la portée.
Portée de canetons se dirigeant en file indienne vers la mare aux canards, avec la dignité d’une troupe qui s’exerce pour le passage en revue. »

Je vous propose de partir d’une de ces huit phrases et de prolonger le texte de trois autres phrases (ou plus) en utilisant ce procédé de dorica castra.

Exemple :

Le temps, déguisé en temps voulu, sort de la nuit des temps.
Tant d’effort pour rien, dit le soleil, j’étais là avant lui.
Luisant de la rosée matinale, une fleur décide d’ouvrir ses pétales.
Alors le jour n’a plus d’autre choix que de se lever.

C’est à vous main tenant. Envoyez vos phrases ainsi composées dans les commentaires ci-dessous. Merci.

Commentaires
L
Portée de canetons se dirigeant en file indienne vers la mare aux canards, avec la dignité d'une troupe qui s'exerce pour le passage en revue.<br /> <br /> Vulnérables et fragiles, ils agitent leur plumage jaune, presque imperméabilisé aux gouttes d'eau qui glissent.<br /> <br /> Ceux qui ne barbotent pas encore avec les plus téméraires ne tardent pas à rejoindre timidement le reste de la famille.<br /> <br /> Millet en grande quantité est jeté par les promeneurs, qui d'un air amusé nourrissent et contemplent les gallinacés repus.
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B
Le temps, déguisé en temps voulu, sort de la nuit des temps.<br /> <br /> Tant d’effort pour rien, dit le soleil, j’étais là avant lui.<br /> <br /> <br /> <br /> Louisa avait beau essayer de me calmer, la crispation commençait à s’emparer de mes mâchoires.<br /> <br /> Choisir de sortir ou de rester dans ce capharnaüm, mon cerveau buggait, je n’arrivais pas à me décider.<br /> <br /> Dévorer des livres, c’était insuffisant, c’était pourtant devenu, ces derniers jours, mon seul objectif.<br /> <br /> Tiphaine, dénudée, hantait mon esprit.<br /> <br /> Pris d’un désir volent pour elle, ce qu’elle représentait, ses courbes avantageuses, je giflais Louisa, de dépit, de frustration, de colère et de désespoir.<br /> <br /> Poireautant dans le couloir, devant la porte, elle n’attendait qu’une chose : que je sorte d’ici et que j’évacue enfin cette tension, que le temps déguisé, subi, mortifère avait maléfiquement instillé dans mon esprit.<br /> <br /> Pris de panique à l’idée de la perdre - car je l’aimais profondément - qu’elle ne me parle plus, je sortis.<br /> <br /> Tirant frénétiquement sur une cigarette, je déambulais dans les rues, hagard.<br /> <br /> Gardant malgré tout mes distances avec les passants, les rayons du soleil sur mon visage, me faisaient du bien, me réchauffaient, m’apaisaient, me calmaient.<br /> <br /> Mettant une main en visière au-dessus du visage, je décidais de m’adresser, comme à un confident, à un rédempteur, à un dieu tout puissant, au soleil :<br /> <br /> « L’oseille, tu t’en fous, toi, hein, Ô, Soleil… ? »<br /> <br /> Pareil à un dément, je sentis la bave envahir et couler de ma bouche ; la colère resurgissait, pleine, non maîtrisée, comme un torrent.<br /> <br /> « Rends nous la paix, la joie, la vie, l’amour,<br /> <br /> Pourchasse, écrase, terrasse ce mal,<br /> <br /> Maltraite, liquide ces gougnafiers qui nous gouvernent<br /> <br /> Berne-les, fais leur croire qu’on règle tout avec de l’argent<br /> <br /> J’en peux plus, Soleil,<br /> <br /> Veille sur nous et nos enfants. <br /> <br /> Fendre les flots, battre la campagne, courir les rues, c’est tout ce à quoi j’aspire.<br /> <br /> Rire, sourire, aimer, que de lointains souvenirs.<br /> <br /> Frire des pommes de terre, bon sang, voilà la solution », m’écriais-je subitement, comme sujet à une illumination, au milieu de mon soliloque qu’heureusement personne n’entendait.<br /> <br /> Dés que j’eus recouvré mes esprits, je me mis à expirer longuement et profondément pour expulser hors de moi ce foutu gaz carbonique qui asphyxiait mon cerveau.<br /> <br /> Volant presque dans les rues, je me rapprochai de chez moi et pensai très fort à Louisa, ma femme, mon ange gardien, elle qui me supportait en tout et tout le temps.<br /> <br /> Tendant fébrilement ma clé vers la serrure, je réussis à ouvrir la porte de l’appartement.<br /> <br /> Aimante, une larme au coin de l’œil, Louisa me prit dans ses bras et m’embrassa.
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F
Le temps déguisé en temps voulu, sort de la nuit des temps.<br /> <br /> Tant d’effort pour rien, dit le soleil, j’étais là avant lui.<br /> <br /> Luisant de la rosée matinale, une fleur décide d’ouvrir ses pétales.<br /> <br /> Alors, le jour n’a plus d’autre choix que de se lever.<br /> <br /> Lever de rideau sur le monde, hideux, vicié, à jamais corrompu.<br /> <br /> Pus fétide de la blessure du monde, à jamais vaincu.<br /> <br /> Cul de basse fosse qui piège les hommes, à jamais perdus.<br /> <br /> Dure la vie, dure la mort, voici poindre l’aurore.
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M
Le temps qui s'arrête enfin, ce n'est pas un désastre.<br /> <br /> Des astres, cloués là-haut, il y en a beaucoup.<br /> <br /> Coup du sort, nous voilà immobiles.<br /> <br /> Billevesées auxquelles on a cru,<br /> <br /> crus mensonges que l'on a tant écrits,<br /> <br /> et cris que l'on n'a pas voulu entendre.<br /> <br /> Tendre, à entendre comme on le veut, la voilà pourtant l'issue.
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C
Derrière le monde, il y a du monde et d’autres mondes.<br /> <br /> Ondine sortant du bain cheveux soyeux et peau nue<br /> <br /> Nuages frémissants, regards fuyants, coeurs palpitants<br /> <br /> Tant et plus qu'elle se couvrit d'un courant d'air...<br /> <br /> (Derrière le monde etc.)
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