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6 avril 2017

Erri de Luca à la Maison de la Poésie, à Paris (3)

Naples, une ville d’Italie. Erri de Luca prend le temps de nous dire que la Méditerranée a été le passage de tous les êtres humains vivant en Europe. Énée, fondateur de Rome, était un exilé de Troie, un de ceux qu’on qualifierait aujourd’hui de réfugiés. Et ce sont les Grecs qui on bâti Naples avant de la quitter en y laissant les Napolitains. La présence du volcan, les rites qui y sont attachés, les dominations successives, et surtout la densité de population expliquent la langue napolitaine, celle qui doit dire beaucoup en mots courts, en diminutifs affectueux et avec des gestes pour suivre dix conversations à la fois. C’est au cours d’un voyage en Europe de l’Est qu’Erri de Luca voit un texte dont il ne comprend rien, un texte écrit en yiddish. Il décide donc d’apprendre cette langue menacée de disparition comme il a appris l’hébreu pour lire la Bible. Et, ayant appris cette langue, à laquelle il trouve des similitudes avec le napolitain, il a accès à des poèmes inouïs, à des histoires que ne connaissent que celles et ceux qui sont attentifs à sauver quelque chose de l’humanité que d’autres humains ont tenté de détruire. 

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Et, parmi ces histoires, il en est une qu’il nous raconte ce soir-là. Un roi voulait se faire fabriquer un manteau, avec de riches étoffes, des diamants, un manteau qui serait le plus luxueux possible. Mais il ne voulait pas que celui-ci soit réalisé par un artiste de renom qui lui ravirait la réputation liée à cette oeuvre d’art. Il demanda donc à un tailleur, bon ouvrier, de fabriquer ce manteau. Le tailleur y mit beaucoup de peine et de savoir-faire et, quand il apporta le manteau au roi, ce dernier se fâcha, disant : « Tu n’as pas fait ce que j’attendais, ton travail a gâché les matériaux, les diamants et les tissus que je t’avais confiés. Tu devrais mourir pour ce forfait. Mais je te donne une chance : si tu m’apportes dans quelques jours un manteau tel que celui que je t’ai commandé, tu auras la vie sauve. Sinon, je te ferai couper la tête. » Le tailleur ne savait que faire, il lui avait semblé mettre tout son coeur à l’ouvrage. Comment satisfaire le roi ? Un homme de mauvais conseil lui dit ceci : « Tu retireras une à une toutes les coutures de ce manteau et tu passeras à nouveau le fil dans chacun des trous que tu avais faits pour passer l’aiguille. Tu referas donc exactement le même travail. De toute façon, ta tête est menacée. Tu ne peux rien craindre de pire. » C’est ce que fit le tailleur. Et quand il vint présenter son oeuvre au roi, celui-ci l’en félicita. Le tailleur alla voir celui qui l’avait conseillé. Et ce dernier lui expliqua que c’est l’intention qu’il avait mise au travail qui faisait de son manteau cette oeuvre unique que voulait son commanditaire. Et Erri de Luca de conclure : « Ce n’est pas la fin qui justifie les moyens, mais bien plutôt les moyens qui donnent du sens à la fin. »

(à suivre demain)

La photo représente une oeuvre de Claude Cornu.

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