Le livre III (al-Kitâb) Hier Le lieu Aujourd'hui - Adonis

Les meurtres succèdent aux meurtres. La mémoire le redit sans cesse. Et les caisses de livres sont brûlés. Ainsi la pensée, la poésie sont réduites à néant et ne reste que la violence des glaives et des assassinats. On ne peut résumer l’ouvrage d’Adonis en ces quelques termes. J’en sors plutôt avec une multitude de questions. Ce n’est pas en effet un texte qui se présente comme une révélation, une démonstration (« Je ne dis pas : la vérité est ma demeure. »). Il est parsemé de points d’interrogation. Certes, la mémoire est factuelle : son récit est sans hésitation. La violence y est permanente, elle semble même consubstantielle à l’organisation du pouvoir (de sa prise à son administration). Mais il ne faut pas négliger la démarche du poète qui écrit Le livre, avec trois sous-titres : Hier Le lieu Aujourd’hui. Hier, c’est la mémoire. Le lieu, ce sont ces villes, cette région où est née l’écriture (« Nous ne nous mouvons que / dans du tissu damascène   et les jardins / des lettres de l’alphabet »). Aujourd’hui, « chaque poème un commencement ».

René Char écrivait en 1951 : « Aucun oiseau n'a le coeur de chanter dans un buisson de questions. » Adonis annonce, à la fin de cet ouvrage : « Je sens à présent que j’ai besoin de chanter ». C’est peut-être à quoi mène Le livre.