D'autres choses autour du Conte de la dernière pensée d'Edgar Hilsenrath

La lecture du livre d’Edgar Hilsenrath m’éclaire sur ce pan d’histoire que je méconnaissais. Il me rappelle ce film de Serge Avedikian, Chienne d’Histoire. La déportation des chiens errants sur une île, décidée en 1910 par les nouvelles autorités du pays, met en évidence le sort qui sera fait un peu plus tard aux Arméniens. L’auteur du Conte de la dernière pensée parle aussi des chiens errants, qui permettent l’élimination des cadavres sur les routes et les chemins de montagnes. Les hurlements des chiens, qu’on entend depuis Constantinople, dans le film, me font également penser aux cris entendus dans la ville quand les premiers Arméniens sont torturés, leurs tortionnaires cherchant à leur faire avouer un complot arménien international ou à leur faire dire où ils ont caché leur fortune (qui serait répartie dans quatre cachettes, la plus grande part dans la quatrième…).

Les pendus arméniens de la Porte de la Félicité, vus par Nicolas Thiebault-Pikor,
une des sérigrahies des 400 coups des éditions du Tripode.

Le petit Thovma, abandonné le long de la route après sa naissance, aurait été recueilli par Marie, « une Turque musulmane, accompagnée de son époux qui répondait au nom de Youssouf ». 

La vieille Kurde Bulbul, qui vit dans la montagne et vient au village quand un accouchement est imminent, ou quand on a besoin de son savoir, m’a semblé proche de la Mémé Holgolde des Onze rêves de suie de Manuela Draeger. Très vieilles, l’une et l’autre cherchent à protéger et à défendre les enfants qu’elles ont vu naître. Si la vieille Bulbul est toujours avec son « âne sans nom », la Mémé Holgolde raconte toujours les histoires de l’éléphante Marta Ashkarot qui marche jusqu’à la fin du monde. Dans ma lecture les deux se superposent, comme si ces vieilles femmes tenaient dans leurs mains l’avenir de l’humanité.