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23 avril 2015

Histoire de Judas, film de Rabah Ameur-Zaïmeche

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Première surprise : Jésus s’exprime en français. D’ailleurs, tous les protagonistes du film parlent en français. Ce ne sera donc pas un film américain, une grosse production avec des foules et des effets spéciaux. Ce ne sera pas non plus un film italien où la langue romaine, celle de l’église catholique, dominerait, bien que certains aspects vestimentaires me rappellent un film de Pasolini (L’évangile selon St Matthieu).

Même si le titre est Histoire de Judas, il s’agit bien d’une approche de la vie de Jésus, de la fin de sa vie, entre les quarante jours dans le désert et la crucifixion. Et, de manière étonnante, on ne voit pas les épreuves du désert ni la crucifixion. On va suivre un homme aimé des gens qu’il croise, en premier lieu des enfants, un homme qui ne fait rien comme les autres : il libère les poules et les colombes que les marchands du temple tiennent dans des cages, il ne juge pas la femme adultère, il lave les pieds des hommes qui le suivent dans la ville et dans la vie. Le film de Rabah Ameur-Zaïmeche a la simplicité de l’histoire qu’il raconte. Il nous montre un homme dont l’apparence n’est pas celle que l’église catholique et romaine a fabriquée, sans doute ici plus proche d’un Jésus né en Palestine. Il nous donne à voir un décor naturel où la ruine l’emporte partout, la ruine et la destruction, sans doute parce que les hommes ne savent pas aimer.

Le réalisateur utilise pour son récit diverses sources dont, entre autres, Le Maître et Marguerite, de Boulgakov, où un scribe veut tuer Judas, où Pilate souffre de maux de tête… Il change Barabbas, présenté comme un brigand dans les évangiles, en Karabas, un fou sans doute inoffensif se prétendant roi des Juifs. De récit en récit, souvent écrits bien après les faits qu’ils sont censés raconter, les évangiles se sont sans doute éloignés de la vérité historique. Le réalisateur peut donc, lui aussi, raconter sa version.

Endossant le personnage de Judas, il réhabilite un homme qui a suivi Jésus, et dont certainement les Romains n’avaient pas besoin pour arrêter ce dernier. Alors quelle mission Jésus donne-t-il à Judas quand il lui dit : « Ce que tu as à faire, fais-le vite. » Nul ne le sait. Rabah Ameur-Zaïmeche montre Judas détruisant les écrits d’un scribe, une sorte de journaliste, reproduisant les paroles de Jésus et rapportant ses actes. C’est, pour lui, inacceptable : il faut privilégier l’amour des autres, la liberté, et non enfermer la vie de Jésus dans un texte figé. La mission de Judas, dans tout le film, est de protéger Jésus, et c’est peut-être parce qu’il ne peut être présent que les Romains pourront organiser la crucifixion. Et ce sont les Romains, colonisateurs, qui portent l’entière responsabilité de ce supplice : Ponce Pilate en décide ainsi, ce qui lui arrachera néanmoins des larmes, à défaut de s’en laver les mains.

D’autres larmes sont versées dans ce film : Bethsabée, d’abord, qui s’attend à une lapidation, Jésus lui-même après que les accusateurs de la femme adultère soient partis l’un après l’autre, un soldat romain chargé d’exécuter les ordres et Ponce Pilate. La crainte, la désolation devant l’hypocrisie des prêtres, la soumission aux ordres injustes, et peut-être la honte. Le « flot d’amour » des paroles de Jésus, c’est ce qui compte le plus, son sourire. C’est pourquoi Karabas fait tomber les croix quand les corps n’y sont plus : il ne faudrait pas qu’on ait l’idée d’en faire un symbole ! Rabah Ameur-Zaïmeche veut parler d'un homme vivant.

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