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27 janvier 2014

D'un texte à l'autre, d'un continent à l'autre

La première fois que j’ai lu un livre d’un auteur sud-africain, j’y ai cherché ce qui témoignait de la vie en Afrique du Sud. Mandela avait déjà été libéré, l’apartheid était éliminé des lois du pays même si beaucoup restait à faire pour en sortir définitivement.

Et j’ai lu les anthologies que j’ai présentées ici, ,  et encore . Ma première lecture de ces textes était toujours en quête de témoignages. Et puis, petit à petit, des réminiscences se sont réveillées en moi, comme si ces textes sud-africains trouvaient leur place dans mon bagage.

Ainsi, un texte de Karen Press se termine par ces vers : « Nous savons tous ce que ça veut dire, / l’arrivée dans une ville d’un jeune daim / sans peur, immobile sur la route / tandis que des voitures filent vers lui ».  Je me souviens avoir lu, dans un roman de Régine Detambel (Son corps extrême) une histoire de chantier nocturne sur un boulevard où des ouvriers voient soudain passer une biche et son faon, c'est comme un conte de fées, le grutier voudra dire à sa femme « que la forêt est venue dans la ville ».  Et, dans le livre de Régine Detambel, en dehors des engins de chantier, il n’y a qu’une voiture, qui « s’est jetée contre ce poteau là-bas ».

coq

Un poème d'Isabella Motadinyane, Couronne rouge, me rappelle un personnage du roman de Carole Martinez, Le coeur cousu. Le poème dit qu’« un jeune coq noir / à couronne rouge a envahi notre maison ». Dans le livre de Carole Martinez, José, le mari de Frasquita, abandonne tout pour entraîner un jeune coq, « un poussin rouge, un poussin écarlate » dont il veut faire « le plus beau coq de combat d’Espagne ». A la fin du poème « ménage et mobilier / tout est parti / une femme à l’intérieur est / en train de pleurer tant pleurer / que ses larmes font un chant ». Dans le roman, vient « le jour où il fallut payer la première dette : l’homme à l’oliveraie allait prendre possession des meubles », et Pedro, le fils de Frasquita, se mit à dessiner sur les murs les meubles qui manquaient « dans les pièces désertées ». Après que Frasquita se soit acquittée de sa « dernière dette », elle s’est mise en chemin ; le jour où elle est partie, « un coq chanta dans les collines ». Plus tard, elle dira : « Je crois à tout. Mais je crois sans craindre ».

Enfin le texte de Denis Hirson que j’ai reproduit ici me fait penser, encore, à Régine Detambel. Dans son livre Blasons d'un corps enfantin, elle évoque les petites blessures de l'enfance dont on garde la trace longtemps. Le poème de Denis Hirson s’achève sur ce vers « Pas de blessure, pas d’histoire ». Régine Detambel conclut la préface de son recueil ainsi : Les « rencontres blessantes avec l’angle rugueux du monde (…) sont le lot rude et perçant de toutes les enfances. [Elles] nous ont fondés, ont gravé, pour chacun d’entre nous, leur histoire dans notre peau, dans les muqueuses de nos lèvres, dans les étages superficiels et profonds de notre chair, et nous ont lentement façonnés puis passionnés jusqu’à la jouissance ».

 

Commentaires
R
C'est bien cela, lire : ce beau tissage, d'un auteur à l'autre, et d'un texte à l'autre, au-delà des frontières, transversalement… une trans-lecture… Merci ! Régine Detambel
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