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23 mars 2012

Victor ou Les enfants au pouvoir, mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota

Victor-photo Jean-Louis-FernandezLes enfants au pouvoir ? Certes, dans cette pièce, Roger Vitrac montre un enfant manipulateur, menteur comme les adultes, et déstabilisateur de la famille bourgeoise. Il faut bien reconnaître qu’à le dire « terriblement intelligent » tout en lui faisant croire qu’un vase serait un œuf de cheval, un « coco de dada », ne peut que conduire à ce retournement : les parents sont, de son point-de-vue, suffisamment stupides pour être condamnés. La mort plane dès le début sur cette scène où des racines d’arbres s’enfoncent. Nous sommes toujours enfermés, comme enterrés, les portes closes laissent cependant passer des fantômes, celui de Bazaine, trahissant la République en 1870, et Ida Mortemart, cette « femme qui pue », moins fantôme elle-même que faiseuse de fantômes, semeuse de mort, celle qui fera un homme de Victor et lui donnera un mal mortel (la maladie de la mort, pourrait-on dire). La confusion des esprits est grande dans cette société sans projet, sans avenir, sans amour ; c’est la folie qui mène tous ces personnages, sauf peut-être Lili, la bonne. Et ils errent entre les parois blanches du décor, courent de part et d’autre, se mesurent, se menacent, se mentent, se meurent. A neuf ans, Victor sait que l’issue est la mort, que le suicide des adultes est la solution.

Ecrite au début du XXe siècle, entre les deux épouvantables guerres qui ont marqué la première partie du siècle, donnant au personnage principal une année de naissance coïncidant avec la première année de ce même siècle, la pièce dénonce une société qui ne comprend rien à rien, que l’histoire (et l’histoire militaire, plus particulièrement) n’instruit pas. C’est un enfant qui se manifeste, qui brise la complicité des lâches, qui souligne que la bourgeoisie est intrinsèquement perverse. Antonin Artaud en fut le premier metteur en scène (en 1928) ; Emmanuel Demarcy-Mota en restitue la force, l’humour et la cruauté.

Dommage que la tension, palpable depuis les premiers mots, s'amenuise dans les mouvements du décor et une sorte de gaspillage de moyens techniques qui, par moments, me fait perdre le fil. Ainsi, l’escamotage des racines au moment des saluts fait disparaître, à la fin, cette image étouffante qui sanglait la scène.

J'ai vu cette pièce au Théâtre de la Ville, à Paris.

Aujourd'hui, vers 15h40, la 54000e visite à ce blog est arrivée, de Belgique, sur l'article commentant Le papillon et la lumière de Patrick Chamoiseau. Merci.

 

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