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11 janvier 2012

Beaucoup de jours, de Philippe Forest (1)

beaucoupdejoursDans un livre comme celui-ci, il y a tous les livres, parce que, sans doute, Ulysse, de James Joyce, les contient déjà tous. Lorsque j’ai aperçu ce volume sur la table de la librairie, j’ai su d’une manière intuitive qu’il était pour moi. Parfois, les libraires, qui me connaissent bien, me signalent telle publication qui « devrait me plaire », mais, cette fois, ils ne m’ont rien dit. Mon regard était comme aimanté. Il y a quelque temps, j’avais acheté dans cette même librairie la nouvelle traduction du livre de Joyce et je l’avais laissé attendre un peu chez moi avant d’en commencer la lecture. C’est ce que je fais avec certains livres : j’ai besoin de m’habituer à les voir chez moi, d’entrer en relation progressivement, et puis j’entre, je découvre les premières pages comme si j’arrivais chez quelqu’un. Il se peut que le livre ne me retienne pas et je le pose dans ma bibliothèque, soit en me disant que j’y reviendrai, soit en considérant que nous n’avons rien à faire ensemble. Pour Ulysse, je me suis embarqué pour beaucoup de jours, parfois j’étais porté par le récit, par les mots, par l’humour, parfois j’ai ramé. Mais j’ai tout lu avec la même sensation que j’éprouve quand je marche sur des chemins, tantôt escarpés, tantôt larges. « La patience des grands romans est infinie. Ils attendent dans le silence que les lecteurs oublieux se rappellent qu’ils existent. Et lorsque ceux-ci viennent vers eux, ils leur disent : telle est ta vie. »

Alors, le livre de Philippe Forest était bien pour moi.

D’une part parce qu’il allait m’apporter un éclairage particulier sur le roman, chaque lecteur étant différent. D’autre part parce que j’avais envie de reprendre le chemin.

Le point-de-vue de Philippe Forest est lié à sa propre expérience. Ce n’est pas seulement celui d’un universitaire, bien qu’il fasse de nombreuses références à la littérature. C’est aussi celui d’un homme ayant vécu la perte d’un enfant. Et Léopold Bloom a perdu un enfant. Je l’avais lu, bien sûr, mais je n’y avais pas accordé la même importance. J’avais bien entendu noté que la journée de M. Bloom commençait par un enterrement et passait par un accouchement, que la vie et la mort y étaient à l’œuvre. Mais cet homme, qui pourrait être n’importe qui, évoque à plusieurs reprises cet enfant mort, un garçon qu’il imagine sans pouvoir vraiment le faire grandir : « avec un enfant, écrit Philippe Forest, meurt le futur ». Et, notant cette récurrence dans le livre, Philippe Forest souligne que l’événement n’est pas banal, qu’une fois intégré par le lecteur, il rend négligeables les interprétations plus ou moins psychanalytiques (et notamment celle de Lacan).

Les questions qui concernent la paternité sont donc une approche possible du roman. Et aussi les questions relatives à la maternité. Je ne résiste pas à citer un paragraphe :

« La paternité est une fiction, rappelle Joyce. Mais le propre d’une vraie fiction est d’apparaître soudain plus réelle que tout le reste et d’imposer sa signification souveraine au monde. Après la procréation, avec elle, vient le moment de la « reconnaissance ». Et le mot est formidable en français puisqu’il désigne aussi bien cette forme d’adoption symbolique par laquelle un homme – mais une femme aussi bien – reconnaît comme étant le sien l’enfant qui vient de naître et la gratitude qu’il lui témoigne pour, par sa pure existence, avoir fait de lui un père – ou une mère. »

(suite demain)

La 48000e visite à ce blog est venue de Bordeaux un peu avant 16 h sur cette page. Merci.

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