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6 octobre 2011

Antonin Artaud, ce Désespéré qui vous parle, de Paule Thévenin

artaud_théveninPaule Thévenin a vingt-trois ans quand elle rencontre Antonin Artaud, en 1946, à Ivry. Elle ne le quittera plus : il lui dicte des textes qu’elle tape à la machine, et, la veille de sa mort survenue le 4 mars 1948, il lui confie ses manuscrits et les éditions Gallimard lui demandent de travailler à la publication des Œuvres complètes. Elle dira, dans un entretien contemporain de la publication de ce livre publié aux éditions du Seuil, qu’elle est tombée amoureuse non de l’homme qu’elle a connu, mais de celui qu’elle a découvert dans les manuscrits.

Un homme souffrant dans son corps et à qui la médecine a fait subir d’atroces souffrances au point que le cancer qui finira par le laisser assis au pied de son lit, mort, sera diagnostiqué très tard, Antonin Artaud ne voulant pas confier sa douleur aux médecins.

Un homme dont elle tentera d’établir la généalogie, double généalogie puisqu’il disait lui-même de la famille où il était né qu’elle était sa « prétendue famille », qu’il a modifié dans ses écrits la date et le lieu de sa naissance, et qu’il se disait lui-même géniteur de ses parents.

Un homme qui avait parfois un petit accent méridional et qui travaillait son souffle et son intonation en tapant sur un billot, en creusant le bois.

Ce livre montre un homme, et non une figure abstraite, un homme qu’on ne peut pas classer dans l’histoire de l’art ou de la littérature, sauf chronologiquement, un homme dont le parcours est unique, qui écrivait : « Si je suis poète ou acteur, ce n’est pas pour écrire ou déclamer des poésies, mais pour les vivre. »

Après neuf ans d’internement (dont une grande partie pendant la guerre 1939-1945), quand il revient en région parisienne, Paule Thévenin voit en lui un homme qui, « enfin maître de porter son corps retrouvé là où il lui plaisait, était en quelque sorte un vainqueur. » Son témoignage est précieux aussi en ceci qu’elle ne voit jamais en lui un aliéné, mais « un personnage dont le rayonnement avait survécu à tous les sévices ».

La dernière partie du livre est consacrée à une approche du texte intitulé Le retour d’Artaud, le Mômo. Elle précise que « c’est le corps, et non la tête, qui doit essayer de lire ». Il ne s’agit pas d’expliquer : « Les vers ne s’expliquent pas ». Paule Thévenin témoigne de son expérience avec les mots d’Antonin Artaud et son témoignage m’incite à relire L’arve et l’aume, Le pèse-nerfs, les Cahiers , les Portraits, à la lumière de celle qui, quelques années avant de mourir, avait accepté de réunir ces articles et ces textes « comme un accompagnement au travail fait pour déchiffrer et publier l’œuvre d’Antonin Artaud, pour que sa parole ne soit pas étouffée, qu’elle continue à être vive, pour qu’il vous parle. »

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