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2 septembre 2010

Ulysse, de James Joyce

ulysseA quelqu’un qui me demandait il y a quelques semaines ce que je faisais, j’ai répondu : Je lis, j’Ulysse.

J’ai lu le livre de James Joyce dans la nouvelle traduction de 2004 et j’y ai pris un plaisir que je n’imaginais pas a priori. Je n’en connaissais que quelques extraits, une vague présentation, et j’avais entendu le monologue de Molly Bloom.

Une journée de Léopold Bloom à Dublin, ça ne peut pas se raconter. D’autant que l’auteur a multiplié les points de vue, les styles, et que cette écriture fait totalement partie de l’errance de cet homme ordinaire, un quidam, personne, qui mène une vie ordinaire (on en connaît même la balance des comptes recettes-dépenses), et qui traverse des difficultés et des aventures homériques dans une Irlande du début du XXe siècle. Les discussions ne sont sans doute pas très différentes de celles d’aujourd’hui, au fond des pubs, sauf qu’on n’y fume plus : l’illusion d’un pays qui aurait été plus fort que tout au monde, l’antisémitisme qui va jusqu’à chasser M. Bloom d’un café prétextant (à tort) qu’il aurait peut-être gagné aux courses, les relations entre les sexes, l’Europe, et le quotidien qui pèse.

Mais 1200 pages, c’est plus qu’une journée (Joyce a mis huit années pour l’écrire). C’est la littérature, en particulier anglophone (ah ! le débat sur l’existence ou non de Shakespeare !), la musique, la publicité, les transports, les rues, les bords de mer, la politique (« Nous ne pouvons pas changer le pays. Changeons de sujet. »), le sexe, la religion. On y suit un enterrement, on assiste à un accouchement, on croise des sans logis, des militaires, des ecclésiastiques, on évoque des ancêtres, de lointains rivages, des animaux domestiques...

Et c’est beaucoup d’humour. Comme ce texte qui arrive «avec mon tra-lala avec mon tra-lala avec mon traderidera et tralala», les cavaliers «sautant, sautant, sur leur, sur leur selle», et ce «gâchis parmentier» (dont je me demande quand même ce qu’il traduit). Il y a de nombreuses listes, et tant de mots valises, de mots accolés que, lorsque je lis que Bloom rêve de vivre dans «un demaine considérable», je ne sais pas si c’est une erreur typographique ou s’il s’agit de la contraction de domaine et de demain. Mais qu’à cela ne tienne ! Si l’épisode désigné sous le nom de Circé m’a semblé bien long (j’étais content d’en être sorti !), la capacité de James Joyce à remodeler sans cesse la forme du récit m’a réjoui de page en page et «je pense que s’il [l’écrit] il y [a] quelque chose de vrai là-dedans».

Le titre original du livre est UlYssES. Le dernier mot du livre y est inclus : c'est yes, « oui ».

Quelques citations :

« Qu’y a-t-il dans un nom ? »

« Les gens pouvaient se faire à l'idée d'être mordus par un loup mais ce qui les agaçait profondément était la morsure de l'agneau. »

« Traversé le monde pour une épouse. (…) Jamais rien sur la femme qui s’était enfuie du domicile conjugal et y revient, quel que soit son attachement à l’absent. »

« Je me tiens, pour ainsi dire, avec une lettre non postée portant la surtaxe réglementaire devant la boîte aux lettres trop tard de la grande postecentrale de la vie humaine. »

« Je le jure sur la tête de mon banquier que si on ramasse un brin de paille de ce foutu plancher et qu’on dit à Bloom : Regardez, Bloom. Vous voyez ce brin de paille ? C’est un brin de paille. Je le jure sur la tête de ma grand-mère qu’il en parlerait une heure de rang et qu’il continuerait à déblatérer. »

« Chaque vie, c’est beaucoup de jours, jour après jour. Nous marchons à travers nous-mêmes, rencontrant voleurs, fantômes, géants, vieillards, jeunes gens, épouses, veuves, frères d’amour. Mais toujours nous rencontrant nous-mêmes. »

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