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16 mars 2010

Ode maritime, mise en scène par Claude Régy

odemaritimeLa première fois que j’ai vu une mise en scène de Claude Régy, c’était, en 2000, Des couteaux dans les poules, de David Harrower, avec, si je me souviens bien, Valérie Dréville et Jean-Quentin Châtelain. J’ai pensé que ce metteur en scène faisait souffrir ses comédiens et que les applaudissements enthousiastes qui ont salué la représentation étaient un effet de mode et de snobisme culturel. Je m’étais alors juré de ne pas retourner voir un spectacle de ce metteur en scène.

Et je sors du Théâtre de la Ville (Paris) où se jouait Ode maritime, que Fernando Pessoa publia sous l’hétéronyme d’Alvaro de Campos, mis en scène par Claude Régy et interprété par Jean-Quentin Châtelain.

La représentation était annoncée d’une durée d’une heure et cinquante minutes ; elle a duré près d’une demi-heure de plus. Claude Régy fait du Claude Régy, Jean-Quentin Châtelain fait du Jean-Quentin Châtelain, et il ne reste que quelques éclairs de Pessoa dans une sombre mare de mots étirés, étirés, étirés. La mer n’est plus qu’une flaque, pour reprendre un mot qui occupait beaucoup d’espace dans la pièce d’Harrower. Et l’ennui s’installe inexorable.

Peut-être faut-il cet ennui, cette lenteur pour que les lumières évoquent les toiles de Turner, pour que parfois les mots du poète fassent tanguer le décor fixe, comme est immobile le comédien qui parle de voyages à l’autre bout du monde, à l’autre bout de l’homme.

Mais non. Les choix de diction et de mise en scène ne me semblent pas servir le texte, où abondent les listes, les anaphores, les envolées. Au début, l’écart qui se creuse entre le bateau et le quai pourrait justifier le très peu de lumière, les syllabes traînantes. Mais toujours revenant à ce parti-pris, à ces lumières qui n’éclairent qu’à peine le visage de celui qui dit le poème, je ne reconnais que par tel ou tel trait d’écume l’Ode maritime.

Claude Régy demande aux spectateurs un effort. Je ne rechigne pas devant l’effort, il me semble, mais, pour moi, le théâtre n’est pas fait que d’un décor épuré et d’une voix qui sort d’une silhouette figée. Il y manque le désordre, le vrac, le tas, l'humain.

Toutes les mers, tous les détroits, toutes les baies, tous les golfes
je voudrais les serrer sur ma poitrine, bien les sentir, et mourir!
Et vous, choses navales, vieux jouets de mes rêves!
Recomposez hors de moi ma vie intérieure!
Quilles, voiles et mâts, roues de gouvernail, cordages,
Cheminées des steamers, hélices, hunes, flammes claquant aux vents
Drosses, écoutilles, chaudières, collecteurs, soupapes,
Dégringolez en moi en vrac, en tas,
En désordre, comme un tiroir renversé sur le sol!

(extrait du texte d’Alvaro de Campos)

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