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17 janvier 2010

Kristina Rady

« Dans une conférence écrite en 1930, La théorie et le jeu du duende, Federico Garcia Lorca apporte son témoignage de musicien et poète en déclarant ceci : « Tous les arts sont capables de faire apparaître le duende (démon intérieur), mais là où il rencontre le plus d’espace, là où il est le plus naturel, c’est dans la danse et dans la poésie récitée, car elles demandent un corps vivant qui interprète, elles sont des formes qui naissent et meurent de façon perpétuelle et soulèvent leurs contours sur un présent précis. Avec les mots, on dit des choses humaines. Avec la musique, on exprime ce que personne ne connaît ni ne peut définir, mais qui existe plus ou moins fortement en chacun de nous. La musique est l’art par nature. On pourrait dire que c’est le champ éternel des idées. »
J’ai vu récemment un spectacle avec Erri de Luca et Gianmaria Testa. Ils le dédient justement aux invincibles, qu’ils appellent les « Quichotte ».
Héroïque chevalier errant, Don Quichotte de la Manche est l’emblème de ceux qui ne se rendent jamais. « Notre Quichotte, affirment-ils, est une sorte d’hommage à tous les partisans des causes perdues qui sont au bout du compte les vrais invincibles ».
Même lorsque la vie semble se réduire à un combat contre les moulins à vent, le héros est celui que rien ne freine. Ni les déceptions ni les désillusions, ni même la mort, si de son vivant une œuvre a été déposée ici-bas. « L’invincible, poursuit Erri de Luca, n’est pas celui qui gagne toujours, mais plutôt celui que les défaites ne réussissent pas à mettre en déroute, celui qui ne renonce jamais à se battre de nouveau. »
La poésie devient alors une bonne façon de combattre le monde et ses injustices, ses désordres et ses inerties quotidiennes, sans pour autant échapper à la réalité. Ainsi Don Quichotte n’est pas un pur idéal livresque, mais un idéal de vie pouvant appartenir à tout le monde. Aucun obstacle ne peut retenir la parole, le son, ni même la pensée qui, une fois exprimés, s’élèvent dans les airs et se répandent pour aller au-devant d’autrui, vers tous les « Quichotte » errant sur cette terre. »

Extrait de la préface de Kristina Rady pour Attila Jozsef / A cœur pur (Editions du Seuil)

Traductrice, metteuse en scène, productrice de spectacles et d'émissions de radio, la Franco-Hongroise Kristina Rady s'est donné la mort par pendaison le 10 janvier à son domicile bordelais. Elle était âgée de 41 ans. (lemonde.fr) 

Commentaires
M
Merci pour cet extrait.<br /> Cette femme je ne la connaissais pas, je ne la connaîtrai jamais, j'aurais voulu la connaître juste pour une phrase sur les passions qu'elle avait prononcée au monent de l'affaire. Une personne parlait droit et juste dans la tourmente.<br /> J'aurai préféré pour elle et pour les siens un autre départ vers ailleurs dans la vie mais puisqu'on ne peut pas détourner le cours de sa mort...alors<br /> <br /> Comme on dit en Grèce "que la terre qui la recouvre soit légère"<br /> <br /> et pour ces enfants, son mari, ses parents, sa famille "Vie à vous"<br /> C'est une des très belles expressions grecques pour exprimer sa sympathie lors d'un deuil.<br /> C'est tourné résolument vers la vie.
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J
Merci pour cet hommage rendu de la façon la plus belle et la plus honnête qui soit.<br /> Une pensée pour Kristina Rady.<br /> Jamé 203
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