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13 janvier 2010

La Fabbrica, d'Ascanio Celestini - mise en scène de Charles Tordjman

LaFabbricaBenoitMichellod0Le texte d’Ascanio Celestini m’a touché, ému.

Parce qu’il parle des ouvriers ; on pourrait dire de la classe ouvrière, mais c’est plus que ça. Ce n’est pas un de ces textes militants qui ferait le tri entre les bons et les mauvais. Pas de manichéisme. L’auteur a écouté des hommes et des femmes, et, de tous les mots qu’il a entendus, il a fait une histoire à la fois réaliste et fantastique. Avec la manière italienne.

Du miracle, une Madone dotée d’une poitrine exceptionnelle et porteuse d’un secret inavouable, des poiriers qui donnent des fruits même pour les morts, des morts mystérieux dont on ne sait pas vraiment s’ils sont morts d’amour ou de mauvaises conditions de travail. A moins que la Fabbrica, l’usine, soit à la fois l’amante et la tueuse, celle qu’on aime, dont on aime entendre l’appel du matin, la sirène qui rythme la vie locale, et celle qu’on déteste parce qu’elle donne la disgrâce, une jambe en moins, un doigt, celui du mariage, coupé…

Avant, les ouvriers étaient des géants, puis il y a eu l’aristocratie ouvrière, et puis l’usine s’est nourrie des mutilés. C’est avec la Fabbrica qu’ils se mariaient tous, hommes et femmes, travaillant en 3 x 8, avant Mussolini, pendant le fascisme, après… C’est avec l’ombre de la Fabbrica qu’ils parleraient encore et c’est pourquoi on a vendu le haut-fourneau plus loin, en Chine, peut-être, ou en Afrique. Pour faire taire la voix des ouvriers. Non pas du monde ouvrier, mais de chaque homme et de chaque femme portant en eux cette marque-là, celle du travail mal payé, des conditions de travail terribles où l’on vous fait croire qu’il y a de l’or dans la poussière du charbon. Non pas la voix des orateurs, de quelque bord qu’ils soient, mais celle des chants populaires, des chants de lutte et d’espoir, de lutte et de fraternité, de lutte et de souffrance.

Charles Tordjman, qui a mis en scène il y a quelques années le texte de François Bon, Daewoo, alterne ici chants et récit (une lettre d’un ouvrier à sa mère). Parfois, le jeu des comédiens (Agnès Sourdillon et Serge Maggiani) m’atteint, me fait rire, me trouble, parfois le chant du trio (Sandra Mangini, Germana Mastropasqua, Xavier Rebut) qui entoure Giovanna Marini m’emporte. Parfois j’ai le sentiment de passer à côté du récit. Peut-être parce que, placé trop haut dans cette salle du Théâtre des Abbesses, à Paris, je n’ai pas du tout profité des effets de lumière et de reflets sur un décor fait de vitres dont le sens m’a donc en grande partie échappé, peut-être parce que l’alternance des voix parlées et des voix chantées empêchait un engagement plus fort du spectateur que j’étais.

N’empêche, il a bien raison, Charles Tordjman, de porter la parole d’un auteur italien de moins de quarante ans et qui veut reconstruire notre relation avec les objets, non pas par leur seule consommation mais aussi par leur production, relation qui passe par la connaissance de leur fabrication, les matériaux, les outils, « des marbres, marteaux, micromètres, filières, foreuses, tarauds, des limes, des fraises, des pinces, des clous… une lime, un chalumeau, une pince, un loquet, un rabot, un rouleau, une torche, une tarière, une fraise, un niveau »… et les gestes de celles et ceux qui les fabriquent.

Commentaires
O
renseignement pris, les Cd sont en vente dans les librairies des théâtres où le spectacle se joue...
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L
Cela m'a l'air passionnant en effet... Existe-t-il un CD des chansons interprétées dans le spectacle??
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