Persécution, de Patrice Chéreau

«J’ai les clefs», dit Daniel (Romain Duris) dans la première partie du film. Les clefs des appartements en chantier, les clefs de l’appartement de Sonia (Charlotte Gainsbourg), les clefs de la voiture… Les clefs de sa vie ? Sans doute pas puisqu’il n’y comprend rien, et, de plus, il n’est pas le seul à avoir les clefs. Son ami Michel (Gilles Cohen) a celles de la voiture, Sonia, sa «copine» (c'est lui qui le dit), égare un soir celles de son appartement, le «désaxé» (Jean-Hugues Anglade), lui, même sans clefs, peut rentrer par la fenêtre.

C’est peut-être ça, l’amour que chacun poursuit (persécuter c'est poursuivre) tout au long du film. Daniel avec son regard méchant et qui «agace tout le monde», Sonia qui déclare être vraiment elle-même dans sa relation avec lui, Michel l’ami dépressif, le «désaxé» persuadé «qu’un jour tu m’aimeras». C’est peut-être perdre ses clefs et savoir rentrer par la fenêtre. Mais, ça, seuls peut-être les anges en sont capables, et ce «désaxé» est un ange, portant ses ailes dans un sac à dos jaune.

Tous tournent autour de Daniel qui est incapable de simplicité, qui se montre violent à plusieurs reprises, par les mots, par les gestes, par les coups. Et qui cache sa faiblesse derrière cette violence. Et qui la révèle après son combat avec l'ange (ange qui demande à plusieurs reprises «Prends moi dans tes bras»).

Il tente d’apprivoiser la mort, mais elle le surprend, car, pas plus que l’amour, elle ne se laisse apprivoiser. Elle le surprend comme la vie, comme une paire de gifles reçue en réponse à un sourire…

Il a les clefs, Daniel, jusqu’à ce qu’il soit obligé de demander celles de la voiture de Sonia. Dernière accélération avant un ralentissement sensible du film.

Individu au milieu de la foule du métro au début, Daniel «à la fin» (l’expression revient plusieurs fois) descend inexorablement vers la solitude dans sa vie.