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8 décembre 2009

Hadewijch, de Bruno Dumont

HADEWIJCHHadewijch, ça se prononce comment ? Et le caissier de la salle où j’ai vu ce film de me répondre : Hadévitch en aspirant bien le H. Je lui réponds que c’est du flamand et que sa prononciation ne me semble pas la bonne. Effectivement, ce nom ressemble plus à Edwige.

Hadewijch est une poétesse mystique flamande du XIIIe siècle. Et il faut sans doute remercier Bruno Dumont de la sortir de l’anonymat et de la mettre ainsi en lumière.

« Ce que l’Amour a de plus doux,

ce sont ses violences ;

son abîme insondable

est sa forme la plus belle ;

se perdre en lui, c’est atteindre le but ;

être affamé de lui

c’est se nourrir et se délecter (…) »

Céline, renvoyée du couvent, est obsédée par cet amour à qui elle veut donner son corps en restant vierge toute sa vie. Elle se plaint de n’être qu’humaine. Est-elle touchée par la Grâce ou complètement à côté de ses pompes ?

Bruno Dumont l’éclaire toujours d’une manière particulière, pour bien nous faire comprendre qu’elle est illuminée. Nous sommes dans un tableau, rien de réel : perdue dans les bois, haletant et pleurant, courant du monastère au tombeau du Christ, un gisant près duquel elle aimerait sans doute s’allonger si n’étaient les grilles où s’accrochent des ex-voto. Perdue dans l’église, ou chez ses parents dont l’appartement est immense. Perdue en banlieue où elle descend des escaliers et où elle ne devrait pas aller, comme le lui dit Yassine. C’est une fille perdue entre le ciel et l’enfer.

Je pense qu’il faudrait regarder ce film en faisant attention à ces niveaux bas et hauts : le tombeau du Christ est sur une hauteur, la mosquée en bas des immeubles, l’appartement où Nassir emmène Céline surplombe la ville, puis ils sont dans le métro… Mais un film a quelque chose d’immédiat : on ressent son histoire au fur et à mesure du défilement des images.

Alors que nous suivons la passion de Céline – Hadewijch, une autre histoire se déroule, celle de David, un ouvrier qui passe une bonne partie du film en prison, on ne sait pas bien pourquoi, mais, en tout cas, il n’a pas tué (dit sa mère), un gars qui ne dit pas grand-chose mais dont on comprend qu’il est en quelque sorte l’alter ego de Céline. Lui aussi (comme le gisant évoqué ci-dessus) derrière des grilles, il va pourtant en sortir et faire un chemin de croix, maçonnant juché sur une échelle près d’une inscription évoquant la crucifixion, torse nu comme un Christ contemporain.

Certains voient dans la dernière image celle d’une rédemption humaine, trop humaine, alors qu’on pourrait tout aussi bien y voir un baptême ; pour ma part, je préfère la laisser sans signification précise.

Je ne vous cacherai pas que, pendant la projection, beaucoup de scènes et d’images m’ont agacé, que je suis sorti de la salle assez perplexe, mais que j’ai retrouvé les sous-bois le lendemain à mon réveil et que j’ai suivi à nouveau les chemins dangereux du film « entre grâce et folie », comme l’indique le synopsis.

Quelques jours plus tard, sur le quai de la Station Châtelet - Les Halles du RER, un homme prêchait : « Vous voulez vivre ? Mais la vie c'est de voir Dieu », et Hadewijch est revenue dans mes pensées...

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