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28 octobre 2009

Codicille, de Gérard Genette

codicilleCeci n’est pas un essai. Ceci n’est pas un recueil de blagues. Ceci n’est pas une autobiographie. Ceci n’est pas un guide urbain. Ceci n’est pas un livre de musicologie.

Qu’est-ce alors ?

Gérard Genette écrit (à propos de son livre précédent, Bardadrac, mais celui-ci est construit sur le même modèle) : «ce livre se définit donc comme rhapsodie bien ou mal cousue d’éléments hétéroclites, assemblés in extremis selon une technique que, pensant aux merveilleux patchworks de bris et débris de Kurt Schwitters, je qualifierais volontiers de bricollage

L’auteur est plutôt connu comme un théoricien de la littérature. De ceux dont on se dit qu’ils savent tout à la naissance, qu’ils ont tout lu, et, en particulier A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. Il est donc plaisant de lire ici comment il a connu ce livre, d’abord par des extraits, une anthologie établie par Ramon Fernandez, puis qu’il a découvert d’autres pages et qu’il affirme que personne ne peut se vanter d’avoir lu toute La Recherche, comme on dit.

Dans ce Codicille, suite de Bardadrac, il rappelle des souvenirs de toutes sortes : lieux où il s’est promené, où il a enseigné, étudié, vécu, et je suis sûr que chacun peut se dire « je l’ai peut-être croisé ». Où était-ce ? Au Mans ? à Amiens ? en Essonne ? Non que ce soit extraordinaire de rencontrer un homme, fût-il Gérard Genette, ni même qu’une biographie suffise à expliquer une pensée, mais le récit de ces fragments de vie nous rapproche.

Et je ris aux blagues, pas toujours de très bon goût (mais j’en fais parfois d’aussi peu glorieuses), aux expressions paternelles (« Toi, tu veux tout savoir et rien payer. »), je me promène dans ses déambulations (rues de Paris, cours d’eau affluents d’affluents), je me perds un peu dans les références musicales, je me réjouis en découvrant ses mots-chimères (autre nom pour mots-valises),  je partage ce regard et, surtout, cette oreille critiques sur le langage des médias.

Je me sens complice. Je me dis qu’à quelques années près, ce livre aurait pu commencer par un blog (comme ceux d’Eric Chevillard, de Chloé Delaume, de Fabienne Swiatly, de François Bon…) et, pour vous faire venir l'eau à la bouche, je recopie ici un des articles (le livre se présente sous la forme d’un abécédaire) :

anethAneth. Sans vouloir faire une publicité mal compensée ni inciter à une consommation immodérée, je note, pour mon herbier, qu’il existe deux sortes d’aquavit dans la seule marque que je connaisse, et qui porte le nom d’une ville danoise : l’ordinaire (selon moi), qui est parfumé au cumin, et l’autre, qui est à l’aneth. Je dis « aneth » pour simplifier, mais chacun doit aussi savoir que l’aneth est également appelé fenouil bâtard, que le fenouil, même légitime, est une plante à goût anisé, que de l’anis on tire le pastis et, bien sûr, l’anisette, que l’anis étoilé s’appelle encore badiane, et que l’anis des Vosges est plus correctement nommé cumin, ce qui nous met au rouet. Bien entendu, l’absinthe, espèce à part entière quoique menacée, n’a rien à voir avec tout ça. Au titre de la nostalgie fin de siècle, je rappelle que la « fée verte » comportait au moins armoise, fenouil, anis vert, éventuellement anis étoilé, hysope, mélisse, coriandre et excipients distillés. Je n’invente évidemment rien.

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