Le livre est fait de papier.
L’histoire du papier remonte à l’Antiquité. Le papier porteur d’un message le plus ancien connu à ce jour nous vient de Chine. Le processus de fabrication du papier n’a pas changé depuis cette époque. Il se fait en deux étapes : la désintégration de la matière première dans l’eau afin d’obtenir des fibres individuelles suspendues et la formation de feuilles feutrées lorsque cette suspension est disséminée sur une surface poreuse et adaptée, à travers laquelle l’eau peut s’égoutter. (Wikipédia)
Phet Cheng Suor fabrique du papier.
Ce faisant, elle entre en contact avec ses origines cambodgiennes et chinoises. Elle entre en dialogue avec les végétaux, qu’elle observe et choisit et cueille et cuit… Pas de précipitation, le temps est pour elle un filtre vital. La texture de l’écorce du mûrier, de feuilles de magnolia, d’orties et d’autres plantes porte le texte, et le texte, pour elle, c’est d’abord celui de Shitao : «J’emprunte des sujets à la poésie pour en faire des sujets de peinture.»
Shitao est un moine bouddhiste, calligraphe, poète et peintre chinois du XVIIe siècle à qui l’on doit de nombreuses œuvres et un traité, Les propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère, où il affirme la notion primordiale de «l’Unique trait de pinceau». 
Autre source pour Phet Cheng, le Yi King, Le livre des Transformations, dont Edgar Morin écrit : «La figure primordiale du Yi-King est une figure d'ordre, d'harmonie, mais portant en elle l'idée tourbillonnaire et le principe d'antagonisme. C'est une figure de complexité.»
Elle s’inscrit donc dans la tradition de cette pensée et dans l’idée et la volonté de faire-livre.
Les formes de ses livres ne se heurtent pas aux angles droits mais épousent plutôt les cercles, les arrondis, qu’elle sait étirer, déplier, comme le temps. Les papiers qu’elle fabrique enveloppent, comme le cocon des chenilles et il faut attendre pour qu’elles deviennent papillons. Pas étonnant alors, bien que cela m’ait surpris, qu’elle en fasse des vêtements, vêtements de mots, de mémoires tissées.
Phet Cheng Suor expose jusqu’au 18 octobre au Jardin botanique national de Belgique Graines de mémoire, titre qui évoque, comme elle sait si bien le faire, l’avenir contenu dans le passé.
Les photos des oeuvres de Phet Cheng Suor sont signées Phet Cheng Suor ou Christian Caugant et viennent du site du Jardin botanique dont vous suivrez le lien en cliquant sur ces images.
