Ecrire en pays dominé, de Patrick Chamoiseau - 4

De Chamoiseau : vivre-écrire dans un monde-relié

Francis Ponge écrit qu’on « ne sort pas de l’arbre par des moyens d’arbre ». Une idée du collectif, ou plutôt du divers, peut ici émerger. Il y a chez Patrick Chamoiseau (et pas seulement chez lui), une idée en archipel, une pensée archipélique. Je l’ai évoquée après ma visite de l’exposition Kreyol Factory à La Villette (voir dans ce blog le 17 avril).

L’île peut être vécue comme une prison : c’est oublier que la mer, qui sera parfois un obstacle infranchissable, peut aussi être « une vaste perspective (…) une aire frémissante vers l’université altière », comme on peut le lire dans les œuvres d’un poète béké, descendant des premiers colons blancs, Saint-John Perse : « La Mer, en nous, portant son bruit soyeux de large et toute sa grande fraîcheur d’aubaine par le monde. » (extrait du recueil Amers).

Revient alors la notion de rhizome : pas de hiérarchie, pas de tronc commun, mais un milieu où tout est mis-en-relations. C’est « notre devoir d’à-présent ».

« Les langues, les littératures, les oralitures, les chants poétiques, ballades, romances, proverbes, complaintes, comptines et devinettes, mes contes de fées, mes mythes intimes et mes histoires obscures (…) J’avais élu le Divers en prisme de ma vision, en émotion de contacts, en exigence aussi. »

Vivre dans un monde-relié, c’est autre chose que de subir une mondialisation, c’est choisir le « donner-recevoir », le « donner-avec », n’être pas en attente de tout ce qui nous assujettit (publicité, consommation, subventions) mais produire de la relation…

Le livre de Patrick Chamoiseau est tellement dense qu’on ne saurait le résumer et que ces quelques jours pendant lesquels je vous en ai fait part ne suffisent pas à en rendre compte (ou conte). Je vais sans doute lire prochainement quelque chose d’Edouard Glissant, qui vient de publier Philosophie de la Relation, et il me reste encore quelques jours pour retourner visiter l’exposition à La Villette.